CICE,
dividendes et embauches…
On en causait encore au début du mois dans la presse
estivale et j’y reviens.
« François III » avait mis en garde les
entreprises contre la tentation de mal utiliser le CICE en distribuant des
dividendes au lieu d’investir et d’embaucher, préceptes que bien peu ont respectés.
D’ailleurs, les syndicats exprimaient leur vigilance quant à
l’interdiction d’utiliser le CICE pour distribuer des dividendes aux
actionnaires…
Je me suis donc demandé ce qu’en ont fait les plus grandes
entreprises de « Gauloisie impécunieuse ».
Instructif, finalement.
C’est « Le Journal Du Net » (JDN) qui a publié les
résultats d’une enquête réalisée auprès de 49 des plus grandes entreprises de « Gauloisie-citoyenne »
pour connaître le montant du CICE dont elles allaient pouvoir bénéficier en au
titre de 2013 et 2014.
Et le JDN, qui ne s’intéresse qu’à l’aspect « compétitivité du CICE », nous
indique que seules 16 entreprises ont accepté de communiquer le montant du CICE
pour 2013, et encore moins l’estimation pour 2014.
Ces 16 entreprises totalisent 830 millions de CICE sur un
total de 10 milliards estimé pour 2013.
Trente-trois entreprises ont donc refusé toute indication
malgré les nombreuses relances.
Et Ô surprise, dans les plus grandes d’entre elles dont l’État
détient lui-même le contrôle ou des participations importantes, la tartuferie
de nos gouvernants explose en milles éclats somptueux.
LA POSTE :
CICE : 297 millions pour 2013, 445 millions pour 2014.
– Dividendes : 171 millions en 2013 pour l’État actionnaire.
« En 2013, le bénéfice
net de la Poste a progressé de 31 % à 627 millions d’euros. Pour les syndicats,
c’est seulement grâce au Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi que
ce résultat a pu être obtenu, ce que la direction ne nie pas » (Les Echos,
20 février 2013).
Les syndicats qualifient le CICE de « produit dopant » en relevant qu’il compense une perte
d’exploitation de 5,6 % et que sans lui il n’y aurait pas eu de dividende !
– Effectifs : Constants, autour de 158.000 mondialement.
La Poste se glorifie d’avoir embauché 5.000 salariés en
2013, mais on s’aperçoit qu’il ne s’agit que de rajeunir les cadres pour tenir
compte des départs en retraite.
SNCF
(Société Nationale de Casse et de Fauche) : CICE : 118 et 177 millions.
– Dividendes : 209 millions en 2012, pour une perte de 180
millions.
L’État vient d’annoncer en août 2014 un « effort de renoncement » à 500 millions
de dividendes, … mais pour contribuer au désendettement qui atteint 32,5
milliards et augmente constamment.
Aucune mention n’est faite du CICE.
– Effectifs : 2.500 postes de cheminots supprimés par an,
non remplacement de 7 départs à la retraite sur 10 en 2014.
ORANGE :
CICE : 79 et 118 millions.
– Dividendes : Après les rendements exceptionnels de la
période 2008-2013, les rendements attendus pour 2014 et 2015 se stabilisent à
5,4 % à un niveau trois fois supérieur à ceux de la période antérieure à 2008.
Politique : « Le Groupe souhaite
préserver une structure financière solide et viser un ratio d’endettement (dette
nette/EBITDA) autour de 2,0 à moyen terme, et poursuivra en conséquence une
politique de distribution de dividendes attractive, alignée sur sa génération
de cash-flow opérationnel ».
– Effectifs : 50.000 emplois supprimés en 14 ans, « l’entreprise s’engage résolument dans une
nouvelle baisse d’effectifs » depuis 2012, les recrutements étant loin de
compenser les départs en retraite.
PSA :
CICE : 80 et 120 millions.
– Dividendes : Aucun depuis 2011 (pertes).
– Effectifs : En baisse constante, aucun effet du CICE.
EDF (Électricien
Démoniaque et Féerique) : CICE : 68 et 102 millions.
– Dividendes : « Hausse
surprise » en 2013. L’État détient 84 % du capital et a perçu 1,8 milliard
en 2012, soit plus de la moitié des 3,2 milliards perçus de ses participations.
– Effectifs : Constants depuis six ans, à 105.000 en « Gauloisie »,
hors les filiales.
AIR-Transe : CICE : 40 et 57 millions.
– Dividendes : Après 5 années d’absence de distribution,
Air-Transe prévoit un rendement de 2,39 % en 2014 (enfin… avant la grève des
pilotes) et 2,99 % en 2015, si le travail reprend normalement.
– Effectifs : Le groupe est en pleine restructuration (plan
Transform 2015), en quatre ans il aura perdu entre 12.000 et 15.000 postes (sur
106.000).
AUCHAN (et
pas « Austère ») : CICE : 38 et 55 millions.
– Dividendes : Le groupe n’est pas coté, les dividendes
paraissent stables autour de 200 millions.
– Effectifs : 302.500 dans le monde. En « Gauloisie de
la distribution », « Aux chants » développe une stratégie
d’augmentation des effectifs employés (+ 500) et de diminution des effectifs
cadres (– 800) qui est sans rapport avec le CICE.
VEOLIA :
CICE : 30 et 45 millions.
– Dividendes : Après un pic en 2011 à 11 %, le rendement se
stabilise à 5 %, valeur nettement supérieure à celle antérieure à 2008.
– Effectifs : 500 départs naturels non remplacés en 2013,
400 en 2014. Veolia taille dans les effectifs du siège.
SAFRAN :
CICE : 25 et 37,5 millions.
– Dividendes : Le groupe est un des plus brillants du pays.
1 milliard de résultat net. Rendement en constante augmentation, prévu 2,52 %
en 2014 et 2,90 % en 2015.
– Effectifs : Embauche constante, 7.000 en 2012, dont 3.000 au
pays, 7.000 prévus en 2013, avec ou sans CICE.
On remarque que, par comparaison avec l’importance du chiffre
d’affaires global et étranger de ces multinationales, le montant de leur CICE
est relativement négligeable, et insuffisant en tout état de cause pour avoir
une influence sur leurs dividendes et leurs effectifs, alors que pour les 9
entreprises passées en revue et dont le CICE était beaucoup plus important,
aucune influence n’a pu être notée.
Conclusions : Tout d’abord, l’État est présent dans les
6 premières entreprises, à titre d’actionnaire très majoritaire pour la moitié
d’entre elles.
Et il se sert royalement, reprenant d’une main ce que l’autre
donne !
Le cas le plus éloquent est celui de La Poste, 445 millions
de CICE attendus, une situation qui aurait été perdante sans ce CICE, qui a
servi à payer les dividendes…
Exactement l’inverse des consignes données aux entreprises…
La situation est comparable pour les autres entreprises : « Air-Transe »
(l’État actionnaire à 15,9 %) qui reprend la distribution de dividendes en
pleine restructuration, Orange (l’État actionnaire à 27 %) dont les effectifs
sont en baisse constante au contraire des dividendes, EDF qui verse 1,8
milliard de dividendes à l’État dans un contexte de stagnation des effectifs…
Une nouvelle illustration du « faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais ».
On peut rajouter que dans ce monde impitoyable du
capitalisme débridé d’État-communiste, il n’y a aucun rapport entre la
distribution de dividendes et l’évolution des effectifs.
Il existe en effet une politique de dividendes autonome qui
ne tient qu’au signal que l’entreprise veut envoyer à ses investisseurs et au
marché dont elle dépend pour ses fonds propres.
Et le seul cas examiné où l’on observe une évolution
favorable des embauches est celui de Safran, pour des raisons tenant essentiellement
au remarquable développement de l’entreprise.
Question : Pourquoi exiger des entreprises en général
un comportement différent de celui des grandes entreprises et leur refuser de
mener une politique de dividendes, et aussi d’investissements, indépendante des
fluctuations de la taxation de leur bénéfices, notamment par le biais du CICE ?
Et comment prétendre exiger d’elles des « contreparties »
que l’on ne met pas à la charge de celles qui devraient donner l’exemple ?
Dit d’une façon plus « imagée » : De qui se
fout-on (gouvernement et syndicats réunis), finalement ?
En quoi le coût faramineux du CICE a-t-il une influence sur
le niveau de l’emploi ?
Je vous laisse répondre, au moment même où le chômage (catégorie
1 : – 11.100) recule au profit des autres catégories et des + 28.000
radiations administratives dans mon beau pays (celui que j’aime tant)…
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