La fin des colis de Noël…
REPUBLIQUE
FRANCAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu
l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux
parties sur le fondement de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l’article 12 du code de procédure civile, ensemble
les articles L. 136-2, L. 242-1, alinéa 1er, du code de la sécurité
sociale, 14 de l’ordonnance 96-50 du 24 janvier 1996 modifiée et l’arrêté du 10
décembre 2002 relatif à l’évaluation des avantages en nature en vue du calcul
des cotisations de sécurité sociale ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que le juge
tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que l’Union de
recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales
d'Alsace (l’URSSAF) a réintégré dans l’assiette des cotisations et contributions
sociales dues par l’association Organisation populaire des activités de loisirs
(OPAL) la réduction dite Fillon ainsi que les bons d’achat et cadeaux en nature
attribués aux salariés à l’occasion des fêtes de Noël 2010 et 2011 ;
Attendu que pour faire partiellement droit au recours
de l’OPAL, l’arrêt retient qu’il est admis, en application de l’instruction
ministérielle du 17 avril 1985, que les cadeaux et bons d’achat attribués à un
salarié peuvent être exclus de l’assiette des cotisations lorsqu’ils sont
attribués en relation avec un événement ; que par ailleurs, la lettre
ministérielle du 12 décembre 1988, reprise dans une lettre circulaire ACOSS n°
2011-5024, édicte une présomption de non assujettissement des bons d’achat et
cadeaux attribués à un salarié au cours d’une année civile à condition que le
montant alloué au cours de l’année n’excède pas 5 % du plafond mensuel de la
sécurité sociale, que, dans ce cas, les libéralités sont exonérées de
cotisations et contributions sociales ; qu’enfin, l’URSSAF, en l’espèce, reconnaît
que la valeur des bons d’achat et cadeaux attribués à chacun des salariés pour
chacun des exercices annuels considérés n’a pas excédé 5 % du plafond mensuel
de la sécurité sociale ;
Qu'en statuant ainsi, sur le fondement d’une
circulaire et d’une lettre ministérielle dépourvues de toute portée normative,
la cour d’appel a violé, par refus d’application, les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt
rendu le 23 juillet 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Colmar ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la
cour d’appel de Metz ;
Condamne l’association Organisation populaire des
activités de loisirs (OPAL) aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette
les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près
la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en
marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième
chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente
mars deux mille dix-sept.
Mme Flise (président), président
SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini,
avocat(s)
Depuis que vous venez lire mes « petits
commentaires d’arrêt », vous aurez au moins appris une chose : Les
règles de droit sont multiples, diverses et variées, mais les textes qui les
édictent ont une hiérarchie.
Le texte suprême, c’est la Constitution et son
préambule. Rien ne peut venir en contredire les principes édictés.
Ensuite, viennent le traité, puis la loi ou l’ordonnance.
Parallèlement, la convention (collective ou non) et le contrat, sauf à être
nulle par le fait d’une loi d’ordre public, non-dérogeable.
Enfin s’intercalent le décret, puis l’arrêté, l’instruction,
la circulaire d’application…
Si on cherche encore, le droit se fonde parfois sur
les « us & coutumes », les usages. Mais ça devient rare tellement
la frénésie de régenter tout et tout le monde est vive dès que quelques « sachants »
ont autorité…
La jurisprudence, autrement dit un corpus de décisions
émanant des plus hautes juridictions (Conseil constitutionnel en matière
légale, Conseil d’État en matière administrative [les décrets, arrêtés,
instructions et autres décisions de l’administration], Cour de cassation en
matière judiciaire), disent la loi.
Il est toutefois des exceptions : Le rescrit
(fiscal ou social) est opposable à son auteur si le bénéficiaire du document
excipe la décision qui y est portée ;
La « doctrine administrative », autrement
dit un ensemble d’avis de portée générale régulièrement publiés par les
administrations ayant autorité, notamment en matière fiscale et en matière de
cotisation sociale, est également opposable auxdites administrations, tant qu’elle
n’est pas rapportée.
Et il est des cas, comme celui concernant les « colis
de Noël » ci-dessus, où le juge, dès lors qu’il s’agit d’une tolérance,
une exception a priori illégale, peut
venir expliquer que la doctrine, lui, il ne connaît pas et qu’il n’applique que
la loi.
Point-barre, circulez, il n’y a rien à voir, c’est
comme ça…
Il ne fallait pas venir demander son avis au juge à le
déranger pendant sa sieste, force reste à la loi régulièrement votée !
Parce que tant que tout le monde est d’accord, y’a pas
de contentieux.
Si on lui demande de trancher un conflit, même
nouveau, la tolérance illégale mais d’usage commune et semblant faire autorité
par usage, il ne connaît pas, qu’on se le dise.
Soyons précis : Que nous raconte la doctrine de l’ACOSS
dans sa lettre circulaire ACOSS n° 2011-5024 ?
« Incidence de la valeur du plafond sur la
présomption de non-assujettissement des bons d’achat et des cadeaux servis par
les comités d’entreprise ou les entreprises en l’absence de comité
d’entreprise.
En application de l’arrêté du 26 novembre 2010 (J.O.
du 28 novembre 2010) fixant la valeur du plafond mensuel de Sécurité sociale
pour 2011 à 2.946 euros et, conformément à la lettre circulaire Acoss n° 9694 du
03 décembre 1996, la présomption de non-assujettissement des bons d’achat et
des cadeaux en nature servis par les comités d’entreprise (C.E.) ou les
entreprises, en l’absence de comité d’entreprise, à l’occasion d’événements
visés par la tolérance ministérielle du 17 avril 1985 est fixée comme suit.
La condition d’utilisation déterminée du bon d’achat
est également rappelée.
I. En application de l’instruction ministérielle du 17
avril 1985, les cadeaux et/ou les bons d’achat attribués à un salarié au cours d’une
année peuvent être exclus de l’assiette des cotisations de la Sécurité sociale
lorsqu’ils sont attribués en relation avec un évènement, leur utilisation est
déterminée et leur montant conforme aux usages.
À cet égard, la lettre ministérielle du 12 décembre
1988 a posé une présomption de non- assujettissement de l’ensemble des bons
d’achat ou cadeaux attribués à un salarié, par année civile, lorsque le montant
global de ces derniers n’excède pas le seuil de 5 % du plafond mensuel de la
Sécurité sociale, soit pour l’année 2011 : 2.946 x 5 % = 147 euros.
Lorsque ce seuil n’est pas dépassé, les bons d’achat
et/ou les cadeaux attribués à chaque salarié, par année civile, sont présumés
être utilisés conformément à leur objet et donc exonérés de cotisations et contributions
sociales.
II. Lorsque le montant global des bons d’achat (et/ou cadeaux)
attribués, sur une année, à un salarié excède cette limite, il convient
d’examiner pour chaque bon d’achat ou cadeau attribué que les conditions générales prévues par l’instruction
ministérielle du 17 avril 1985 sont remplies, c’est-à-dire :
Leur attribution doit être en relation avec un évènement
visé par la lettre circulaire Acoss du 03 décembre 1996 de façon exhaustive (mariage,
naissance, Noël des salariés et des enfants, départ à la retraite, rentrée
scolaire, fête des mères/des pères, Ste Catherine/St Nicolas) ;
Leur utilisation doit être déterminée : l’objet du bon
d’achat doit être en relation avec l’évènement. Le bon d’achat doit mentionner
soit la nature du bien soit un ou plusieurs rayons d’un grand magasin ou le nom
d’un ou plusieurs magasins.
Il ne peut être échangeable contre des produits
alimentaires ou du carburant. Les produits alimentaires courants dits de luxe
dont le caractère festif est avéré sont admis.
Les évènements mariage, naissance, départ à la
retraite, fête des pères et mères, Ste Catherine et St Nicolas, Noël des
salariés ne permettent pas de prédéterminer la nature du bien dont le salarié
souhaite bénéficier. Pour ces évènements, la mention d’un ou plusieurs rayons permet
de mentionner l’ensemble des rayons d’un magasin (sauf alimentation non festive
et carburant).
Pour les évènements concernant les enfants, rentrée scolaire
et Noël des enfants, le bon d’achat doit permettre l’achat de biens destinés
aux enfants et en relation avec cet évènement.
Pour la rentrée scolaire, le bon d’achat doit
permettre l’achat dans des enseignes ou rayons commercialisant notamment des
produits en lien avec la rentrée scolaire tels que papeterie, livres,
cartables, vêtements enfants, micro-informatique…
Pour le Noël des enfants, le bon d’achat devra
permettre l’accès à des biens en rapport avec le Noël tels que notamment
jouets, livres, disques, vêtements, équipements de loisirs ou sportifs…
Et leur montant doit être conforme aux usages : un
seuil commun équivalent à 5 % du plafond mensuel (soit 147 euros) est appliqué par
évènement et par année civile.
Ces trois conditions doivent être réunies
simultanément pour pouvoir ouvrir droit à l’exonération des cotisations de
Sécurité sociale, de la CSG et de la CRDS.
Les bons d’achat (et/ou cadeaux) sont donc cumulables,
par évènement, s’ils respectent le seuil de 5 % du plafond mensuel.
Deux évènements concernant plus particulièrement la
situation familiale ont nécessité des adaptations du seuil de 5 % : rentrée scolaire
: le seuil est de 5% par enfant ;
Noël : le seuil est de 5 % par enfant et 5 % par
salarié.
Dans le cas particulier où deux conjoints travaillent
dans la même entreprise, le seuil s’apprécie pour chacun d’eux. Dans
l’hypothèse d’un salarié percevant, pour le même évènement, un bon d’achat et
un cadeau en nature, leurs montants doivent être cumulés afin d’apprécier le
seuil de la valeur conforme aux usages.
Les bons d’achat de produits alimentaires non-courants
sont désormais admis en exonération dans les limites fixées par l’instruction ministérielle
du 17 avril 1985 et la lettre circulaire Acoss du 03 décembre 1996.
Par produits alimentaires non courants, il convient
d’entendre des produits dits de luxe dont le caractère festif est avéré.
Enfin, il convient de rappeler qu’un guide sur les
prestations servies par le comité d’entreprise a été réalisé avec la
participation des Urssaf, lesquelles mettent celui-ci à la disposition des
usagers intéressés. »
Résultat, pour la Cour de cassation, les cadeaux et
bons d’achat alloués par l’employeur aux salariés doivent être soumis à
cotisations sociales.
Toutes les sommes d’argent versées et tous les
avantages accordés par l’employeur au salarié, à quelque titre que ce soit et
sous quelque forme que ce soit, en contrepartie ou à l’occasion du travail
sont, en principe, soumis à cotisations sociales.
Et la Cour de cassation rappelle que les différentes tolérances
doctrinales n’ont pas de valeur juridique. Elles n’ont aucune justification
légale.
Force est de vous rappeler que ce n’était pas la
question posée au juge, puisqu’à l’origine du contentieux, si l’employeur avait
fait l’objet d’un redressement de cotisations de l’Urssaf, c’est au motif que
l’attribution des bons d’achat était effectuée sur une base discriminatoire : Le
montant de ces bons variait selon la durée de présence du salarié dans
l’entreprise.
L’Urssaf ne remettait donc pas en cause le principe
même du non-assujettissement à cotisations des bons d’achat et des cadeaux.
Et encore à ce jour, l’Urssaf continue de diffuser sur
son site Internet les conditions permettant d’obtenir l’exonération de
cotisations sociales des cadeaux et bons d’achat et il est donc toujours
possible d’en profiter. Reste que l’employeur qui ferait l’objet d’un
redressement de cotisations pourrait voir remettre en cause par les juges le
bénéfice de cette exonération…
Le mieux, pour mettre fin à l’incertitude juridique
qui pèse sur tout le monde, il serait opportun que le ministre chargé de la
Sécurité sociale fasse adopter par le nouveau parlement, une loi qui s’imposera
alors aux Urssaf et aux juges avant Noël.
En son absence, sera-ce la fin des cadeaux de fin d’année ?
Je me souviens avec émotion de ceux d’un de mes boss.
Ils étaient financés par la boîte et préparés par les élus du comité d’entreprise.
Mais le contenu était arrêté par le chef.
C’est ainsi que j’ai eu longtemps une collection de
bouteilles de Suze, imbuvables et dont personne ne voulait…
Le péché-mignon dudit boss !
Heureusement, il n’y avait pas que ça, mais de quoi
boire et manger pendant plusieurs jours : Un vrai 14ème mois
(le 13ème étant conventionnel), bien au-delà des fameux 5 % du
plafond de la SS : C’est simple pour environ 450 personnes, y’en avait pour
presque de deux millions de francs-gauloisiens.
Je sais, c’est moi qui signais les traites.
Jamais été inquiété par les Urssaf…
Bé, ça va peut-être disparaître pour quelques kouillonneries
de jalouseux.
Je vous jure : Quelle époque !
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