Comme convenu la veille, le
« Capitaine Haddock » débarque à Marignane par l’avion du milieu
d’après-midi pour être accueilli par Paul.
C’est la cinquième fois que leurs
routes se croisent. Une première fois à Barcelone, sur les indications d’Emily
Lison, agent de la NSA, la première et unique épouse de Paul, téléguidée par feu
le Directeur Almont de la CIA.
C’était il y a bien longtemps et Paul
cherchait les milliards disparus de la guerre du Golfe.
Une deuxième fois quelques mois plus
tard, après avoir retrouvé lesdits milliards en Grande-Bretagne et les avoir
recyclé dans le « Grand-Emprunt » du Président Krasoski, à Bastia,
pour le second vol du « Nivelle 001 » qu’il s’agissait de ramener de
la base de Solenzara située en Corse jusqu’à Aubenas, dans ses ateliers, après
le premier vol d’essai quasi-catastrophique de ce prototype hypersonique, juste
pour tester les « céramiques » des bords d’attaque des ailes en
passant au large de la Tunisie à Mach 5.
Une troisième fois, pour un vol
historique autour du globe et par les pôles, en une seule traite de 12 heures
et 4 minutes, qui les firent entrer tous les deux dans « la légende »
des grands exploits aéronautiques, même si cette performance n’a pas eu l’écho
mérité en France… avec Miho Mihado la coréenne du nord dans le rôle de
l’hôtesse de l’air et d’espionne, équipée d’une balise radio, sa spécialité…
Et une quatrième fois, récemment, début
juin, en Normandie d’abord, puis, dans la même journée à Carita, la base
aérienne de l’armée de l’air où ils avaient ramené le « Nivelle 001 »
après leur tour du monde, pour un autre vol de cinglé en travers de la route de
deux navires russes faisant « hippodrome » devant la rade de Toulon.
Une affaire « curieuse »,
initiée par l’amirauté russe en représailles d’un vol sur Canadair de Paul
au-dessus de Kiev, lors des événements de la place Maïdan en février 2014, pour
exfiltrer discrètement un commando de snippers des SAS britanniques parachuté
l’avant-veille…
Pour le vol sur Toulon, ils avaient
manqué d’y laisser leur peau tous les deux et à plusieurs reprises, à filer à
presque Mach 3 au raz des vagues de la méditerranée : Le
« piège » était à la limite « du contrôlable » !
Sportif.
Et ils avaient convenu tous les deux de
ne se retrouver que pour le premier vol du « Nivelle 002 », un
prototype qui devait les propulser à 250 km d’altitude, hors de l’atmosphère, là
encore, juste pour tester les « céramiques » étalées sur tout le
corps de l’avion à construire, dans une tentative de rentrer dans les couches
denses de l’atmosphère à très grande vitesse.
Ça passait ou ça cramait…
Or, à l’heure qu’il est, non seulement
le premier euro du financement du « 002 » n’a pas été trouvé, mais le
concept est toujours dans les planches à dessins et « calculettes » :
Normalement, ce devait être un avion orbital, type Hermès, Bourane (« Бура́н »,
« tempête de neige » en russe) ou Shuttle, la Navette américaine mais en plus
petit, conçu comme d’un seul bloc, sans le soutien d’accélérateur extérieurs et
fonctionnant au kérosène de l’aviation.
Mais tel quel, le calcul démontre que
finalement, il ne peut pas acquérir la vitesse nécessaire pour une mise en
orbite, alors il reste à l’état de projet suborbital.
Plutôt si, il pourrait se mettre en
orbite, mais dans ce cas, il n’aurait plus assez de carburant pour ne pas
« redescendre » avant plusieurs décennies…
Ce sera le rôle assigné au
« Nivelle 003 », si Paul parvient à trouver là encore les
financements, des ingénieurs et techniciens assez compétents et en quantité
suffisante, et une nouvelle source d’énergie primaire.
L’idée maintes fois étudiée serait de
se servir d’un générateur au thorium afin d’expulser dans une tuyère un plasma,
fabriqué avec de l’eau : Une grosse machine à vapeur, en somme…
Mais que de « sauts
technologiques » à faire pour y parvenir, notamment ceux de la puissance et
de la miniaturisation, même si « sur le papier », on peut faire un
tel réacteur assez puissant avec seulement 40 tonnes de matériels divers,
transportable sur une semi-remorque.
Et puis, trouver un « pays
d’accueil » pour ce « genre d’acrobaties », parce que promener
une centrale nucléaire volante, même inoffensive, au-dessus de quelques
populations, ça n’attire pas nécessairement les autorisations de vol par
pelletés enthousiastes…
« Et pourquoi vous n’utiliseriez pas l’E-Cat du professeur Rossi ? »
de l’université de Bologne, demande JCD à PdB. « Ou votre Z-Machine ? » reprend-il sans lui laisser le
temps de répondre, celle de feu McShiant, qui est entreposée dans les caves des
locaux du Kremlin-Bicêtre de Paul.
« L’E-Cat est encore un dispositif expérimental de fusion froide et déjà
couvert par des brevets. Quant à ma Z-Machine, non seulement elle n’est pas
d’un fonctionnement assez stable et sûr, mais en plus elle produit beaucoup de
rayons X dont il conviendrait de se protéger avec des très lourdes enceintes en
plomb inutiles et encombrantes pour un vol orbital.
Alors que les indiens et les chinois, mais aussi les
norvégiens, sont en avance sur les centrales à sels fondus de thorium, qui
sont, semble-t-il, nettement moins dangereuses à faire tourner.
Ils en sont d’ailleurs au stade préindustriel de leur
exploitation.
Comment va la Baronne, à propos ! », fait Paul pour changer de conversation avant de prendre des
nouvelles de la santé de JCB, dont il sait qu’elle n’est pas formidable.
(… à compléter à la guise de JCB)
Mais ce n’est pas de tout ça dont ils
doivent s’entretenir.
« Je n’ai que vous sous la main pour le vol de ce soir. D’autant que
vous, je sais que vous tiendrez votre langue. Ce qui est devenu, semble-t-il,
absolument indispensable. »
De quoi s’agit-il ?
« On part pour l’Algérie tout-à-l’heure. Vous me larguerez en parachute
au pied des Monts du Zab, au sud des Aurès, au-dessus d’Ain Zaatout pour aller
atterrir un peu plus loin sur l’aérodrome de Aéroport de Biskra – Mohamed
Khider – une piste de 2.900 m de béton bitumeux sur l’axe 130/310, quelques 50
kilomètres au sud-ouest. »
En parachute ?
« Oui, je vais vous expliquer. Le lendemain à l’aube, après avoir refait
le plein, vous irez amerrir sur un lac artificiel formé par le barrage de « foum
el gherza » où vous m’attendrez sur la rive nord, côté est ou déboule la
rivière qui alimente en eau le barrage. J’aurai 45 bornes à faire pour vous
rejoindre, soit une arrivée vers 9/10 heures si tout va bien, et on revient à
Marseille. »
Une opération
« barbouzarde » ?
C’est un peu ça.
« Ma femme a été enlevée il y a une dizaine de jours et se trouve être
retenue par une équipe de rebelles alliés à Aqmi ou quelque chose comme ça, qui
va passer la nuit à Ain Zaarout. Inutile de vous dire que je suis sur les nerfs
depuis et que je remue ciel et terre pour que les autorités locales se bougent
un peu.
Mais c’est sans compter avec l’inertie de fin d’été de notre
propre diplomatie.
Or, depuis avant-hier, j’ai réussi à la localiser avec des
moyens, comment dire… « exotiques » ! »
Exotiques ? Ça veut dire
quoi !
« – Il n’y a qu’à vous que je peux le dire.
– Et
pourquoi donc, « qu’à moi » ?
– Parce
que c’est compliqué. Mais vous allez comprendre puisque vous m’avez dit avoir
déjà croisé un OVNI au-dessus de Paris. »
Ça faisait un bail, mais Haddock se
souvient parfaitement à la fois de cet épisode de sa vie de commandant de bord
d’Air-France et de ce vol Nice-Londres, ainsi que de leur première rencontre, à
Barcelone justement, où se tenait un congrès scientifique « très
sérieux », sur l’approche de découverte de civilisations spatiales à
venir, où comment aborder le sujet face aux inquiétudes légitimes des
populations à qui la découverte pourrait être révélée.
Quel rapport ?
« Ces photos ! »
Paul sort d’une enveloppe une série de
clichés satellite de la région en question.
Avec nombre d’agrandissements focalisés
à la fois sur le bourg cité, où, au fil des zooms on finissait par distinguer
des silhouettes en grappe dans un coin isolé de la montagne.
Paul pointe son doigt sur une des
personnes allongée sur une civière portée par deux gaillards enturbannés.
« Ça, c’est Florence, la mère de ma fille. Je reconnais sa silhouette. Et
elle est blessée à ne pas pouvoir marcher. Je vais l’extraire ce soir avec
votre aide. »
Il délire, là ? Tout seul ?
Et d’abord, comment Paul a-t-il eu ces
clichés ?
« Je vous ai dit que c’était compliqué. Voyez la date et l’heure… »
Les caractères inscrits dans un coin
démontrent qu’elles sont toutes récentes, de la matinée du jour même, pas plus
vieux.
« Mais c’est incroyable, ça ! » ne peut-il pas s’empêcher
de s’exclamer. « Vous m’avez
contacté hier… »
« Il y a mieux. Ces clichés montrent mon hydravion là où vous allez le
poser en m’attendant. Regarder l’immatriculation et la date. »
Pas de doute : Une photo qui ne
devrait pas encore exister !
Incroyable ! Absolument
vertigineux…
« Mais comment vous avez eu ça ? »
C’est là que c’est encore plus
invraisemblable.
« – Je les ai eu il y a trois jours maintenant.
– Mais
c’est fou !
– Pas
tant que ça : On s’y fait avec le temps, vous verrez. D’autant qu’elles
vont vous guider. Ces photos m’ont été remises par « Birgit », une
brune aux lunettes et vêtements noirs se présentant comme l’assistante d’un
chercheur suisse du CERN de Genève. Lui existe bien, mais il n’a jamais eu
d’assistante se prénommant Birgit et aucune ressemblant de près ou de loin à la
description que je lui en ai faite.
– Une
femme en noire ? Voilà bien la première fois que j’entends parler de cette
hypothèse. Des « hommes en noirs », style Matrix, oui, et en quantité
mais dans la littérature ufologique. Menaçant même, les « MIB », pour
Man in Black, mais jamais de femme !
– D’autant
que celle-là n’était pas menaçante, c’est le moins qu’on puisse dire.
– Vous
voulez dire une vraie… femme ? Ou une sorte de robot ?
– Je
ne sais pas, en tout cas c’était très ressemblant… Bref, nous avons un
accord : Elle me permet de récupérer Florence avec ces photos-là, mais je
ne dois dire à personne, absolument personne ce qui s’est passé et ce qui va se
passer sur place. Donc, personne ne m’accompagne, surtout pas des
« officiels », sauf vous, si vous ne craignez par les mesures de
rétorsions et gardez à jamais le silence sur ce petit-épisode de votre carrière
de pilote ! »
Le « Capitaine Haddock », de
son surnom, éclate de rire. Une véritable explosion d’hilarité !
« De toute façon, personne ne croirait une pareille histoire ! J’ai
déjà testé le problème avec mon Ovni parisien d’un autre millénaire, croyez-moi ! »
Et le voilà qui se met à causer de ses
« petits-camarades » exposés aux mêmes soucis de leurs observations
iconoclastes sous des cieux divers, de ses réunions de fêlés d’ufologistes et
autres tenants du gag Ummo.
Que ça dure un bon moment.
(… à enrichir)
« Vous savez » conclut Paul, « je n’ai jamais cru à ses balivernes de doux rêveurs ou d’excités.
D’abord je n’avais jamais fait ce type de rencontre, même céleste. Mais là,
depuis deux jours, je me rends à l’évidence : Il n’est pas possible, avec
notre technologie actuelle, à moins de faux grossiers, d’avoir des photos du
lendemain.
Or, ce n’est pas un faux, c’est bien l’immatriculation de
mon hydravion et le bout de peinture manquant quand je l’ai sorti hier soir de
son hangar sur le bout de l’aile est visible. Vous pourrez vérifier tout-à-l’heure.
Et, de toute façon, si je ne peux pas faire autrement pour
récupérer sa mère à ma fille rapidement. Et figurez-vous que je compte sur vous
pour me piloter sur place et ne pas prendre le risque de la perdre une
nouvelle fois ! »
Banco.
« Une fois de plus, je suis votre homme… Parce que bon, s’il y a des MIB
dans les parages, on aura sans doute droit à un OVNI à l’occasion de ce vol et
je veux voir quelle forme il va avoir. Le mien était ovoïde, lenticulaire, là
je parie que ce sera un triangle noir, comme lors des vagues récentes. »
Il aura la forme d’un drone noir, sans
lumière, compact, mais aucun des deux ne le sait encore, pas plus que
d’imaginer la vague de ces mêmes engins en survol de centrales nucléaires dans
le nord de l’Europe et en France, qui va suivre et confirmer leur présence, parce
qu’elle n’aura lieu qu’au début du mois prochain.
« – Le seul problème, c’est que je ne sais pas amerrir ! Je n’ai
jamais fait.
– Pas bien grave ! C’est comme un atterrissage mais
sans les freins ni les débords de piste. Il faut juste penser à sortir les
gouvernails pour se diriger une fois à l’eau, et le train pour accoster.
Moteur coupé, de toute façon l’eau est un excellent
ralentisseur autour des flotteurs et en plus les vaguelettes indiquent la direction
du vent : Il suffit de s’aligner à la perpendiculaire… »
Sauf par grosse mer, ce qui ne sera pas
le cas.
Son problème sera surtout de ne pas
emplafonner les rives qui pourraient être escarpées en cette fin d’été si le
barrage a eu le temps de se vider…
(…)
« Ami-râle » à vous de jouer.
Sachez seulement qu’à l’occasion de la
suite, Paul retrouve sur place, dans le village algérien la fameuse Birgit qui
lui donne un coup de main opportun pour avoir le dessus sur les ravisseur de
Florence, et deux pilules d’amphétamine de guerre d’un type inconnu.
Des pilules dont Paul aura besoin pour
sortir des palais gouvernementaux à Pyongyang, où il « abîme » la
jambe de Kim-Jong Un en représailles de celle abîmée de Florence.
Cette dernière est enceinte ne peut pas
être opérée avant le mois d’août 2015 et reste handicapée à boiter
affreusement : Une blessure reçue à l’occasion de son enlèvement fin août
2014 sur le parking du Carrefour de Carpiquet (Calvados).
Enlèvement commandé par le régime et
mis en œuvre par la fameuse Miho Mihado, agent tourné et retourné à plusieurs
reprises, que vous avez côtoyé au cours du vol circumpolaire.
Kim-Jong Un se fera opérer et
« reconstruire » son genou plus rapidement que la jambe mal
soignée de Florence et expliquera son absence pendant le mois de septembre
ainsi que quelques déplacements de chirurgiens des articulations.
Miho Mihado est tuée à l’occasion de
l’évasion de Florence du bled algérien.
Et le commando, furieux de ne pas avoir
été payé faute de ne pas avoir su empêcher l’évasion de Florence, s’en
prendront à Hervé Gourdel qu’ils assassinent lâchement, le prenant pour un
agent de la DGSE envoyé sur place par le gouvernement français pour retrouver ladite
Florence.
En fait, il y a bien un commando
d’agents envoyé en repérage par et de la DGSE sur place au moment de cet
enlèvement du guide, mais ils s’exfiltrent rapidement après l’annonce de la
libération de Florence.
Et c’est Gourdel qui paye la rage des
kidnappeurs de Florence.
Ainsi vont les « Mains
Invisibles »…