Chapitre trentième-troisième
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est
qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout
droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute
ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant
existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y
compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement
fortuite !
Il faudra attendre le début d’après-midi pour que le juge autorise
l’évacuation de Paul, non sans avoir pu vérifier ses
« alibis-bétons » préparés à l’avance.
La première chose qu’il fait, c’est de se payer une carte SIM locale et
prépayée pour lancer l’alerte, son téléphone refusant de fonctionner avec son
abonnement international…
« Vous rappliquez avec votre
grand-uniforme, vos étoiles et vos papiers pour libérer Huyck. »
Que s’est-il passé ?
« Pas compliqué : il a découché
avec une belle de nuit. Le problème c’est qu’il a été une partie de la soirée
avec notre contact sur place, Kristbjörn Kirkjubæ et qu’on a retrouvé ce
dernier assassiné ce matin. Je ne vous dis pas dans quel état ça les met, ici.
Vous allez voir, c’est une affaire compliquée à souhait. Faites-vous tuyauter
par notre Charlotte à nous sur Carine et Claudine. C’est un crime
similaire, sauf que ça n’a rien à voir. Ou peu de chose. »
Ce qui veut dire ?
« Normalement, vous allez
découvrir que le défunté s’est offert une séance de sadomasochisme tarifé avec
des habituées comme il aime à les avoir chez lui en l’absence de sa femme. Et
qu’il aura profité de la présence de Huyck pour se faire plaisir. Mais Huyck
n’y est pour rien. En revanche, si vous envoyez le groupe « ADN »,
les filles vont aider les flics locaux et découvrir que le véritable assassin
fait partie du personnel de Kirkjubæ. »
Ouh là ! Dans quoi va-t-il tomber ?
Et lui, comment s’est-il sorti si rapidement de cette affaire ?
« J’ai fait la tournée des
bars, pas des putes locales. Pas de souci. Je vous préviens, c’est là qu’on
aura besoin de Huyck pour reprendre le flambeau et développer sur place le
« BBR 2.0 ». Mais à condition que vous vous en occupiez. »
Et qui va s’occuper des affaires courantes, en son absence ?
« Vous ne restez pas longtemps.
Juste le temps de faire « témoin de moralité » et de mettre le pied à
l’étrier à « ADN ». Nathalie saura vous suppléer. »
Mais les filles « d’ADN » ne sont pas encore rentrées de
Hongrie.
« Il y a un vol en partance de Schiphol.
Elles décollent dès que la fille de votre général aura elle-même décollé. Je
libère ma chambre par anticipation, c’est confortable, Élodie fera le
nécessaire auprès du taulier pour qu’elles prennent le relai. »
Mais, mais… on ne pouvait pas éviter tout ça ?
« Et non, amiral. Quand les
choses sont écrites, on ne peut pas vraiment faire autrement. »
Un jour, il va falloir qu’il lui explique…
« Vous allez où, pendant ce
temps-là ? »
Londres et ses abords avec un crochet par le canal des Nouvelles-Hébrides,
en Écosse.
« Quoi ? Où ça ? En
Irlande ? Mais il faut que je rentre » rouspète Anaïs, celle qui
a une gosse à récupérer pour avoir été déplacée chez la grand-mère en urgence.
Pas l’Irlande, mais l’Islande. « L’actionnaire
y est ! »
« Quoi ? On va voir
Charlie ! »
Alors là, toutes les difficultés d’intendance et autres mauvaises humeurs se
sont aplanies d’un seul coup…
Et elles ont fait fissa.
Gustave également. Ce n’est pas qu’il apprécie particulièrement le
hollandais avec ses manières de batave mal-élevé, mais c’est une pièce
essentielle – avec Dimitri et tous les autres de l’équipe « DHJ » –
du développement de « BBR 2.0 » et de la CISA qui les avait rendus si
riches…
Le lendemain matin aux aurores – enfin… façon de parler – Gustave
débarque, toutes étoiles au vent, au poste de police de Reykjavik et demande à
voir les officiers chargés de l’enquête. Un amiral, ils n’en avaient pas vu
beaucoup dans leurs vies, hors dans les séries américaines même pas
sous-titrées. Mais de la « Royale-Française », jamais.
Et Gustave se fait expliquer la situation, en anglais hésitant de sa part
(il ne maîtrise pas totalement : manque de vocabulaire et de pratique qui
le font passer pour un plouc aux yeux des flics locaux).
Huyck est retenu car c’est le dernier à avoir vu Kristbjörn Kirkjubæ
vivant.
« Ah non ! Vous avez
oublié mon associé, Paul de Bréveuil. »
Ah oui ? L’agent du Vatican ?
« Du Vatican ? »
Il faut imaginer toute la surprise de Gustave dans cette interrogation…
Il savait bien qu’il fricotait avec Matilda et le père José-Gabriel, tous
les deux attachés au service secret le mieux informé de la planète propre au trône
de Saint-Pierre, mais il n’avait pas encore fait le rapprochement.
On lui explique la présence de ses divers passeports.
« Votre… « associé »
n’est pas en cause. Il a été vu, et c’est vérifié, par plusieurs témoins en
ville, sans messieurs Maartje et Kirkjubæ qui se trouvaient en galante
compagnie de l’autre côté de la ville, puis dans les faubourgs-nord pour le
premier. Hors, la ou les personnes qui ont éventuellement suivi Monsieur Kirkjubæ
chez lui, monsieur Maartje est donc le dernier à l’avoir vu vivant. »
Mais il a un alibi ?
« Une dénommée Fríða Hildiríður,
une dame de petite-vertu habituellement néerlandaise. Nous vérifions
actuellement sa déposition. Ensuite, Monsieur le juge le libérera peut-être. ».
Très bien.
« On m’a dit de vous dire qu’un
groupe d’enquêtrices de notre société, la CISA, pour « Charlotte
Investigation & Security Agency », spécialisée dans la protection des
personnes « à risque » fait le déplacement pour venir apporter son
concours… »
Ils sont au courant et ne sont pas des nains… même si les affaires
d’homicide sont plutôt rares dans l’île. En tout cas moins nombreux que les
sorties de route dans les montagnes.
« Justement, cette
« Charlotte », elle ne devait pas venir, elle aussi ? »
Ce n’est pas la même, mais peu importe.
Elle arrivera demain juste pour faire un rapprochement avec une histoire
ancienne : « Moi, je n’en sais
pas plus. À l’époque je commandais probablement déjà la Direction du
Renseignement de la Marine de mon pays. »
Et sait-il au moins les raisons du déplacement de son associé, le
« prince du Vatican » ?
« Il n’est pas prince de l’Église.
Juste Chevalier de l’Ordre du Christ, je crois savoir. Il a dû vous le
dire : on a un projet de développement de divers logiciels et de bases de
données dans votre pays avec ce fameux Krist-born Kirk-jubilé. Une connaissance
de monsieur Maartje. Vous savez, entre ingénieurs et petits génies de l’informatique,
tout le monde se connaît : les frontières n’existent pas vraiment. »
Chez eux aussi, tout le monde se connaît… hors les touristes
étrangers !
Charmant : les touristes et les désordres à l’ordre public qu’ils
emportent dans leurs bagages, peut-être ?
« Monsieur Kirk-jubilé semblait
être un élément important sinon indispensable dans le développement de nos
projets. »
Une façon comme une autre de disculper Huyck pour sous-entendre que sa
tragique disparition est vraiment un coup dur pour tout le monde et leurs
projets.
Peut-être avait-il une raison de refuser vos offres…
« Pas avec le paquet de dollars
que ça représente, soyez-en sûr, commissaire. »
Son interlocuteur n’est pas « commissaire », mais directeur de
la sécurité publique.
Les filles du groupe « ADN » arriveront au soir. Enfin, façon de
parler : il fait tout le temps « soir » dans ce pays-là dès
l’automne avancé.
Alors que Charlotte, la vraie, celle dont le nez bouge de haut en bas
quand elle parle, n’atterrira que le lendemain-matin, même s’il fait encore
« soir » à ce moment-là.
Une occasion de se remplir les yeux d’une petite aurore boréale à ton vert :
un magnifique spectacle silencieux et coloré, ondulant lentement et
silencieusement, pour une fois que le ciel est à peu-près dégagé. Un émerveillement
situé entre 80 et 200 km d’altitude. Ce sont les « tons jaunes » qui
ont des altitudes les plus élevées…
Ça embrase « sévèrement » les pupilles ! On se sent encore
plus petit après qu’avant devant une telle merveille…
Très déçues que « Charlie » ne soit déjà plus là : mais
elles vont dormir dans son lit ! Ça vaut bien quelques sacrifices,
n’est-ce pas ?
Notamment de convoyer « Charlotte », celle qu’elles voient de
temps-en-temps par écran interposé aux séances matinales, un lundi sur deux,
dans les locaux du Kremlin-Bicêtre.
« Salut les filles !
Gustave est là ? On va où ? Vous me faites un topo ? »
Direct, pour un aller-et-retour jusqu’au poste de police, « lögreglan »,
au 115, hverfisgata même pas à un demi-kilomètre du palais de justice, la
« Hæstiréttur » (Cour suprême) d’où le juge se déplace escorté de son
greffier pour interroger, prévenus, témoins et « visiteuses ».
Charlotte n’étant pas très douée avec la langue de Shakespeare, c’est
Noeline qui fait l’interprète pour être multilingue, y compris en hébreu.
Et elle raconte son histoire.
« Je connais votre agent … du
Vatican depuis… bien avant qu’il n’ait pu le devenir. Dans une affaire de vol
de bijoux de la Biennale des Joailliers. »
Ça avait fait grand-bruit jusqu’en Islande, il y a bien longtemps de
ça : 50 millions de dollars de bijoux envolés en une seule nuit à la barbe de
tous les dispositifs de sécurité imaginables de la planète [1].
« J’étais l’actuaire qui avait
validé le contrat d’assurance et j’ai été lourdée pour, paraît-il, avoir mal
évalué le risque. Libérée de mon employeur d’alors, je suis allée sur place
pour comprendre et j’ai alors rencontré le délégué général de l’exposition.
D’abord suspecté par la police
marseillaise, nous avons compris au fil de l’enquête qu’il s’agissait d’un
vaste concours de circonstances et avons fini par retrouver les bijoux.
Avec la prime de l’assureur, nous avons
ouvert une première agence de détectives-privés, « CAP Investigations »,
qui a plus ou moins bien marché jusqu’à ce que nos locaux soient dévastés par un
attentat en… il y a quelques années de ça.
Votre bonhomme est tout ce qu’il y a
plus d’honnête, officier supérieur de l’aéronavale, polytechnicien, c’est un
génie des raccourcis.
Je ne sais pas comment il fait pour un
« matheux », mais il a des intuitions absolument fulgurantes qui se sont
quasiment toujours vérifiées. Et je peux le dire, si lui c’est l’empereur de
l’intuition, moi je suis la reine du raisonnement ! »
Mais non, mais non, ni flagorneuse ni gonflée à l’hélium de la vanité…
« Dans l’histoire de Carine et
Claudine, on a enquêté pour la défense du père des deux gamines, sollicités par
son avocat. Lui, le père, reconnaissait les faits, c’est-à-dire d’avoir
assassiné, éventré, castré la victime, retrouvée ligotée chez lui. Il
prétendait que c’était dans un moment de folie-furieuse d’avoir constaté qu’il
avait violé ses deux filles. Mais… »
Mais une foule de détails ne collait pas : il ne savait plus où il
avait pris le couteau du crime ou se trompait dans ses déclarations, se
contredisait, il était incapable de dire comment il avait maîtrisé et ligoté sa
victime, il ne savait pas situer ses gamines, il niait avoir été appelé par
elles-mêmes le soir du meurtre et ne savait pas ce qui avait été dit. Il
prétendait être arrivé en plein nuit chez lui, de retour de son travail, mais
justement, pas à dans ses horaires habituels…
Paul avait vite compris que c’était ses filles, prises soudainement de
délire pour être chargées à une mauvaise dope, qui avait perpétré l’assassinat
sauvage après une « partie fine » en trio et parfaitement consentie.
La séance de sadomasochisme avait tout simplement dégénéré et ça ne
correspondait absolument pas avec le profil psychologique du bonhomme.
« Mis devant nos doutes pour le
moins étayés, ce père-là a préféré se suicider dans sa cellule pour refermer
l’instruction judiciaire et protéger définitivement ses deux filles. Canons
d’ailleurs, les gamines.
Et je vois moi-même quelques rapports
avec l’affaire qui vous occupe aujourd’hui. Question de logique. »
C’est-à-dire ?
« Vous ne m’en avez pas dit
assez du dossier que vous constituez. Mais comment se fait-il qu’un descendant
de viking puisse se laisser ligoter comme vous le dites, pieds et poings dans
le dos, si ce n’est pas par simple acquiescement et consentement préalable ? »
Il a peut-être été surpris par son agresseur.
« Dans ce cas-là, vérifiez s’il
a eu un éjaculat ou non. S’il y a des traces d’activité sexuelle et pas
seulement des contusions… »
Parce que ?
« Parce que si c’est le cas, il
s’agit forcément d’un jeu sexuel un peu pervers qui aurait dégénéré. »
En admettant cette hypothèse, la question, serait alors avec qui ça aurait
dégénéré ?
« Car depuis nous avons
retrouvé les deux personnes étrangères avec qui il a passé la fin de soirée et
une partie de la nuit. Deux prostituées, l’une d’origine polonaise et l’autre
venue d’Oslo, qui ont déjà fait des séjours « touristiques » chez
nous, dont les dépositions correspondent et sont en cours de vérifications
définitives. Il y a bien traces d’éjaculat, ce qui est normal puisqu’elles
étaient là pour ça, mais elles prétendent avoir laissé Kristbjörn, Monsieur Kirkjubæ
seul, entravé et bâillonné à sa demande, vers 4 heures du matin et être
rentrées ensemble dans leurs hôtels respectifs des faubourgs de la ville. »
Ce qui est déjà vérifié alors que le chauffeur de taxi confirmera plus tard.
Or, son décès semble remonter entre quatre ou cinq heures du matin. Et la
police a été avertie par la femme de ménage qui a pris son service vers 6
heures du matin et était intriguée de découvrir la porte de l’appartement
entre-ouverte avec une raie de lumière inhabituelle filtrant dans l’escalier.
Normalement, et d’après ses déclarations, à cette heure-là, Kristbjörn, « pardon Monsieur Kirkjubæ, est soit déjà à la
tâche dans son bureau de l’étage du dessous, soit il dort encore pour avoir
passé la nuit à ses affaires et sa porte est dans les deux cas refermée. »
[1] (1) Cf. « Le
feu », à paraître aux éditions I3
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