Chapitre vingt-septième
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est
qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout
droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute
ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant
existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y
compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement
fortuite !
Entre-temps, elles auront rendu compte de leur visite sur les lieux de
l’enlèvement, de leur entrevue avec la famille du général Khromaktuthang
(Gustave était déjà au courant…) et de leur initiative de refaire la dernière
journée de la fille et de sa mère afin de dégoter une piste. Rendez-vous
téléphonique et pris pour le lendemain pour un rapport circonstancié. Ce qui va
permettre aux filles de faire un peu de tourisme, puisque c’est exactement ce
qu’a fait Kurjey Khromaktuthang avec sa mère avant le concert du soir.
Visite du marché couvert, une ancienne halle aux douanes de poutrelles
d’acier et de verrières lumineuses où fourmillent une multitude d’échoppes sur
trois niveaux. La grande synagogue avec son cimetière attenant et ses sculptures
mémorielles, son « arbre de vie », en limite du ghetto, qui ont survécu
à l’occupation des hordes nazis qui s’en servaient de poste de DCA et de radiocommunication.
Puis un détour de l’autre côté du fleuve pour visiter la citadelle et manger
des crêpes fourrées le soir arrivé qui tombe vite en cette saison.
Le lendemain, elles feront la visite du Parlement, cette immense bâtisse
impressionnante, ou le bois, les cuirs et les cuivres se disputent l’espace à
travers les hauts et immenses couloirs recouverts de tapis rouge qui desservent
les deux hémicycles dont un seul est ouvert aux visiteurs.
Deux choses resteront marquantes : les « porte-cigares »
(« Punaise ! Tu as vu la taille
des douilles qu’ils emploient pour débattre dans les couloirs ! »)
et « le trésor royal ».
Eh oui, la Hongrie, dans sa longue histoire aux côtés de son voisin
austro-hongrois, a aussi été un royaume à part entière. Et la couronne royale,
le seul vestige de cette époque qui est présenté, est gardée par deux soldats
aux tenues laissant à désirer, marchant virilement au pas de l’oie en
demi-cercle autour du présentoir sous les ordres d’un sous-officier qui les
regarde faire : ce n’est autre qu’un « bol-renversé », des plus
simples, à peine ciselé, même pas astiqué, sans pierreries et surmonté d’une toute petite croix
posée de travers en son centre…
Là encore… détail surprenant et presque ridicule !
Ladite croix aurait été quelque peu « écrasée » lors d’une
évacuation impromptue à une époque de révolte populaire par une princesse qui
l’enferma dans un de ses cartons à chapeau en dit la légende. Et depuis,
personne n’a songé à la redresser…
Pour le reste, la pêche aux renseignements aura été absolument décevante.
Personne ne se souvient d’avoir croisé qui que ce soit ressemblant aux photos
qu’elles excipent.
Pas plus que le moindre comportement « suspect » concomitant…
C’est Gustave qui les remet en route alors qu’elles divaguent et devisent
le long des berges du fleuve, au moment où elles mirent des chaussures posées
là, sur le quai : un symbole du départ des juifs hongrois…
« Bon les filles, vous
retournez à l’hôtel Andràssy. Et vous montez sur le toit. Charlie y a découvert
des indices importants ! »
Quoi ? Charlie est à Budapest ? Elles vont enfin le
croiser ?
Aucune d’elles ne pense à demander quels sont les indices qui leur auraient
échappé…
Elles n’en croient pas leurs oreilles et filent en taxi en maraude attrapé
au vol alors que leur tram arrivait également d’un autre côté de la barrière…
Mais Charlie n’est déjà plus là, reparti, semble-t-il vers l’Islande. Ou
encore ailleurs, elles ne savent pas trop.
Le général, son épouse et leur « suite », hors le garde du corps
qui reste sur place pour être tenu au courant de la progression des enquêtes,
sont appelés par « leurs devoirs ».
Pour la diva, il s’agit d’une représentation à Londres suivie d’une autre
à Berlin, pour le général, d’un retour urgent vers Thimphou, la capitale du Bhoutan…
Et eux ont croisé « l’actionnaire ».
Pas de veine.
Déçues, elles grimpent sur le toit par l’accès de désenfumage du bout du
couloir, situé à l’opposé des chambres occupées par la famille de Kurjey
Khromaktuthang, dite « KK ».
Une plateforme recouverte de gravillon sur tapis d’étanchéité, où sont
posées des skydômes et des bouches de ventilation diverses.
Effectivement, au-dessus de la chambre de la fille disparue, à l’aplomb de
son balcon, se trouve une fine échelle de corde telle qu’on en trouve parfois
sur les navires hauturiers. Assez légère pour une femme seule et plus facile à
manipuler à deux, elles parviennent aisément à la jeter par-dessus bord alors
qu’elle est restée maintenue sur le toit par de solides nœuds.
Facile, dans ces conditions de descendre et de remonter sans être vu,
puisque c’est « hors des champs » des caméras vidéo de surveillance
alentour !
Anaïs ira de son côté chercher une échelle à crinoline qui descend
directement sur l’escalier de secours situé en bout de bâtiment et qui aboutit
sur le petit jardin, lui-même donnant sur l’avenue Andràssy.
Mieux encore, entre le toit et la sortie de secours du 4ème
étage, stupeur, elle met la main sur le fabuleux collier manifestement
accroché-là à la suite d’une manœuvre maladroite, sans doute dans la
précipitation d’une fuite nocturne de celle qui le portait.
Voilà qui change tout : si il y a eu enlèvement, ce n’est pas
crapuleux, parce que soit les kidnappeurs auraient fait demi-tour pour
récupérer les kilos de pierreries et de perles ciselées que représente ce
bijou, soit, ils auraient cherché à avoir « compensation » à travers
la demande d’une rançon. Hors, ce n’est le cas ni l’une ni l’autre des
hypothèses…
Comment Charlie savait-il qu’il s’agissait d’une fugue avant de
découvrir ces éléments ?
Et comment les a-t-il découverts ?
« Alors là, ma chérie, ce n’est
pas compliqué : il est passé avant nous ! »
Et il aurait laissé la parure accrochée à la ferraille ?
« Il n’a peut-être fait que la
regarder de loin sans descendre par-là. Il est peut-être sujet au vertige. »
N’importe quoi…
Gustave est immédiatement alerté. Et il répercute la nouvelle à son ancien
élève-officier. Consigne est donnée de rester sur place et d’attendre la police
et un émissaire officiel du Bhoutan qui viendra récupérer la splendide parure.
Les filles pensent quand même à vérifier les enregistrements des caméras
de surveillance. Mais ça ne donne toujours rien : aucune ne couvre le toit-terrasse
pas plus que les accès au toit, même pas l’escalier de secours et encore moins
la petite échelle à crinoline qui le prolonge au-dessus et vers le toit.
« Donc pas d’image ni des
ravisseurs, ni de la fille, ni de… Charlie ! » Incroyable.
Une vraie passoire cet hôtel soi-disant « sécurisé » !
« Bon, on fait quoi, après
avoir déposé auprès des flics du pays et restitué le collier ? »
On rentre ?
Pas question, s’insurge Gustave.
« Il faut récupérer la fille. »
Eh, elles n’ont aucune piste…
« Pas très grave. Si vous
cherchez un peu, vous allez en trouver ! »
Plus facile à dire qu’à faire… « Merde
les filles ! On est payé pour enquêter, alors on enquête ! Au boulot. »
On commence par quoi ? « Parce
que notre virée touristique n’a rien donné jusque-là. »
Elles n’ont pas fait l’Opéra où la mère avait tenu représentation…
Direction l’opéra d’État, sis au 22 de l’avenue Andrássy, tout droit et
sans changement par la bouche de métro la plus proche à la station Opéra dudit
métro où, après celle d’Oktogon, une place circulaire, la célèbre avenue
repasse à une simple double voie, sans ses contre-allées pour déboucher plus
loin, vers le Danube au niveau de la « Bajcsy-Zsilinszky », son
marché de Noël et son spectacle de lumières nocturnes, le « pont aux
chaînes » dans le prolongement de la rue Jòzsef Attila, à l’autre bout et
le casino ruisselant de lumière nommé pompeusement « Las Vegas »,
situé au rez-de-chaussée du Sofitel de la ville, un peu plus loin.
C’est là qu’elles auraient dû descendre : la vue sur le château y est
« imprenable ». Et ils y servent des punchs aux couleurs bigarrées du
meilleur effet. Mais elles ne le sauront qu’au soir venu.
Pas grand monde en journée, dans cette bâtisse rococo, en réfection, sise
devant une placette où sont posées quelques sculptures « modernes »
un peu bizarres.
En insistant très fort et distribuant quelques Forins, elles finissent par
rencontrer une sorte de régisseur qui baragouine un peu l’anglais : ils
ont plus l’habitude des touristes germanophones dans ce pays-là. Des
autrichiens, surtout. Pendant que Delphine et Noeline roulent de la hanche et
balancent de la poitrine pour détourner l’attention du gusse, Anaïs a
l’occasion de fouiller la loge de la divine diva Hélène Ladiva.
Mais rien de passionnant.
De leur côté, les deux autres font parler « leur proie »,
totalement sous le charme tel qu’il va bientôt en loucher, ne sachant plus où
poser son regard. Il raconte le passage de l’épouse du général Khromaktuthang,
de sa fille et excipe même un selfie de la dame accompagnée de sa fille et de …
sa sœur qui l’entoure, lui en premier plan !
Une jumelle quasi-parfaite, la sœur. À s’y méprendre. Petite photo de la
photo depuis le smartphone pour Gustave et le fichier « BBR », s’il
marche pour la Hongrie ou le Bhoutan.
Et elles laissent leur régisseur en plan.
« Mais c’est quoi, les filles,
ce cliché ? » rappelle rapidement Gustave.
« Bé, vous nous avez dit de
chercher. Alors nous, on trouve, quand on veut. Votre Kurjey a une mère, mais
aussi une tante et elles étaient toutes les trois à Boudha-Pecht il y a encore
peu. »
Ah ça… « Je fais tourner
l’ordinateur dessus et j’avertis P… le patron, Charlie ! »
« Une tournée les filles ? »
fait Anaïs, d’humeur victorieuse. « Vous
allez voir, Charlie va revenir contrôler notre trouvaille ! »
En réalité, Paul est aux commandes de son hydravion pour un long vol
jusqu’à Reykjavik. Il lui faut dégoter le site-second pour les machines
« BBR » de la CISA comme convenu et avec Huyck, prendre des contacts
utiles avec des développeurs (qui restent réputés dans ce pays-là) et il compte
repasser par Londres sur le retour, rencontrer Lady Joan pour la mettre en
chasse, non sans avoir marqué au préalable un arrêt à McShiant-Island.
Ce n’est qu’à l’escale irlandaise, alors que la nuit le rattrape, qu’il
prend connaissance des derniers développements de la seconde affaire
« KK ».
« Oui, je sais ! »
Il fait définitivement caguer avec ses « je sais » ! Ça le
reprend en pense Gustave…
Il sait quoi ?
« Eh bien les filles vont
découvrir que Kurjey, l’empreinte-corporelle, à une famille parisienne avec une
mère, une tante. Je vous l’avais indiqué, même si mes souvenirs restaient flous
l’autre jour. C'est tout. Mais ce qui est important, c’est leurs rôles
respectifs. »
Une mère et une tante, ça elles savent, désormais. Mais de quels rôles
veut-il parler ?
« Oh ça… Leur enquête va le
découvrir. Elles sont sur la bonne voie. C’est bien. Et vous leur donnerez un
indice supplémentaire. »
Lequel ?
« En décollant ce matin, j’ai
croisé un jet privé et son équipage en stand-by sur Tököl airport, au sud de la
ville. Faites y donc faire un tour aux gamines…
Ah et puis dites-leur qu’elles ne sont
pas très douées. Vous leur ferez savoir que je les trouve toutes les trois toujours
très mignonnes, mais qu’elles sont mal attifées. Noeline surtout, elle fait trop
vamp avec ses tenues de cuir moulantes ! Elles ne passent pas vraiment
inaperçues : on les repère à des kilomètres à la ronde. Pas très discrètes
pour des enquêtrices… »
« Le cochon ! »
réagira l’intéressée. « Il nous
croise et ne nous salue même pas ! »
« Et en plus il te trouve
grosse et poufiasse… » rajoute Anaïs comme pour mieux en rire de
dépit !
« Oh celui-là, quand je l’aurai
coincé entre mes cuisses… Bon, taxi et on file à Theux-Gueule. Je veux dire…
comment déjà ? Tököl ? »
Sans se changer ?
Sans se changer : « Pas le
temps ! »
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