Chapitre seizième
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est
qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout
droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute
ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant
existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y
compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement
fortuite !
Bien en amont de ces moments « historiques » là, Anjo Pisuerga
fera son débarquement à Phillipsburg. Lui, il est ravi de l’opération menée
pour le compte de son patron à céder le logiciel « BBR » et les bases
de données de la CISA à Pamentir.
« Une opération inespérée,
qu’on ne pouvait pas laisser passer. »
Je sais en fait Paul, manifestement pas très content : le champagne
n’est même pas de sortie.
« Eh dites-donc : un
milliard net d’impôt et de charge ! »
Il sait. Mais il ne sait pas s’il doit le féliciter ou non.
Et pourquoi donc ?
« Gustave a dû vous dire que je
n’étais pas vendeur… »
Absolument ! « Mais vous
n’étiez pas là pour confirmer… »
Justement : « Ce qui veut
dire que quand le chat n’est pas là, les souris dansent ! »
Pardon ?
« Vous n’en faites qu’à votre
tête… »
C’est insensé ! Voire injuste : « Une opportunité pareille, ça ne se présente qu’une fois dans une
vie ! »
Certes. « Et maintenant, on
fait comment pour bosser un peu ? », conclut Paul.
Mais à quoi bon « bosser » ? Avec un milliard, même à 1
pour mille de rendement, il en fait pour un million de dollars par an. « Bien plus que ce que vous pourrez jamais
dépenser. Alors à 3 % comme je les sors actuellement… vous n’aurez jamais assez
de temps pour tout dépenser, et tout ça sans vous fatiguer ni même vous en
occuper. »
Décidément ! Un financier, ça ne pense qu’à la finance. Et à la
finance à court-terme !
« Quand je vais vous dire que
j’ai besoin de la moitié pour sortir du 15 % par an et cash dans une paire
d’année, vous allez apparaître comme un bambin qui joue avec ses hochets !
Décidément, Anjo, je vous aime bien et vous avez rendu de grands services à mon
pays et à moi-même, mais vous n’êtes décidément pas à la hauteur. »
15 % ? Et comment ça ? Et sur un demi-milliard en plus ?
Impossible dans les conditions actuelles des marchés !
« Impossible n’est pas français
et je reste avant tout un français. Anjo, ne le prenez pas mal, je viens de
vous le dire : vous m’avez rendu de grands services et je ne saurai
comment vous en remercier. Toutefois, je… pressens que nos
« petits-arrangements » avec les sous de la République vont toucher à
leur fin. »
Comment ça ? Mais il fait un excellent boulot !
« Certes. Mais c’est
« politique » et normalement, c’est pour juillet : on va nous
demander de rendre gorge et des comptes « au carré ». Alors
préparez-vous pour ces échéances. »
Anjo n’est pas une andouille : « Changement de politique suite à vos élections à venir ? »
Exactement et c’est même lui qui a financé les nouveaux-venus !
« Mais il restera le milliard
de la CISA… »
Paul vient de dire qu’il va en pomper la moitié d’ici à deux ans, non sans
avoir « multiplier » le pactole entre-temps, mais là, il n’a pas à le
lui dire. Et pour sortir entre 100 et 200 millions tous les ans. « Et ceux-là, j’en aurai besoin pendant de
nombreuses années. »
Un projet ?
« Trois projets. »
Lesquels ?
« Industriels. Je suis né et ai
été formé industriel, pas financier, vous le savez bien. C’est d’ailleurs pour
cette raison que j’avais besoin d’un financier de votre trempe pour assumer ce
pourquoi je n’ai pas vraiment été formé ni préparé à faire. »
Et puis, il n’en avait surtout pas eu l’envie. La conception oui,
l’intendance, ça l’enquiquine.
Comme là, il n’a pas du tout envie de parler de ses trois projets à Anjo
qui n’y comprendrait de toute façon rien à rien, il n’en dit pas plus.
« Préparez-vous pour dans 8
mois pour les sous de la République, un an pour ceux de la fondation. C’est un
délai correct, non ? »
On ne peut plus clair.
« Je vais vous regretter. »
C’est sympathique.
« Entre-temps, vous allez
acheter un maximum de bitcoins et autres crypto-monnaies, du Rippel, de
l’Ethernet et autres avec les sous de la fondation. »
Des quoi ? De la monnaie virtuelle d’escrocs et autres
blanchisseurs ? Mais il n’en est pas question ! C’est une pure
escroquerie…
« Si vous souhaitez claquer la
porte toute de suite, je me démerderai autrement, savez-vous ? »
…
« Voilà ce qui va se passer.
J’ai besoin d’une petite dizaine de millions sous quelques mois pour finir de rebâtir
le logiciel de la CISA dans sa version 2.0 et de financer quelques travaux sur
les autres boutiques… »
Elles n’en ont pas besoin.
« Ce n’est pas vous qui
décidez. Précisez-moi : c’est bien vous le gérant, mais vous répondez à un
conseil d’administration composé de moi-même qui reste
l’actionnaire-bénéficiaire devant la loi luxembourgeoise, ou ça a changé ? »
Non, c’est ça.
« Donc, pour l’heure, j’aimerai
disposer de ces quelques millions pour les dépenses d’amorçage de mes dits
projets industriels, mais aussi assez pour qu’on désintéresse mes deux associés
dans la CISA. Qui vont remettre au pot en compte-courants dans la même CISA.
Prévoyez de leur servir du 3 % l’an quitte à les décaisser de la Fondation. »
Et puis quoi encore ? « Ce
n’est pas un peu précipité ? Je comptais mettre en paiement un dividende
exceptionnel pour Noël et le solde du coupon en AG de mars ou juin au plus
tard. »
Non : « Hors l’amiral
Gustave qui est usufruitier, ils sortent en plus-value et reviendront en
comptes-courants. Il aura sa quote-part de dividendes 2016 comme tous les
autres seulement après votre AGO. Février serait bien pour la tenir rapidement.
Mes dividendes, je les remets également en compte-courants, histoire de ne pas
les encaisser. À la fin du mois de décembre prochain. Je veux rester seul sur
la CISA. Mais si vous êtes astucieux, vous aurez à gérer les queues de fonds de
Morthe-de-l’Argentière qui va « diversifier ». Vous aurez intérêt à
faire mieux que les 3 % de rendement que je lui offre sur les compte-courants,
sans ça, il va vous lâcher. Huyck, il est probable qu’il préférera me suivre
sur la totalité de ses avoirs. »
Bien. Et entre-temps ?
« Je vous l’ai dit, pour le
solde, si je ne m’abuse environ 890 millions de dollars, vous achetez des
Bitcoins et autres par petits-paquets, plusieurs fois par jour s’il le faut et
sur autant de comptes à ouvrir en douce pour éviter les piratages, là où ils se
trouvent. »
Sur les plateformes japonaises pour l’essentiel.
Une opération spéculative ou de « blanchiment » ?
« Purement spéculative. Je
ressortirai rapidement en novembre 2017. Après, ça vaudra nettement moins. »
C’est une opération très risquée : le Bitcoin peut être bloqué à
n’importe quel moment par les autorités financières internationales.
« Voilà qui m’étonnerait. Elles
en font leur beurre. Avant que ça ne s’effondre. Et vous qui aimez bien la
spéculation, vous devriez suivre avec vos honoraires. Car je compte ressortir
non pas avec le double ou le triple, mais à 15.000 dollars le bout. Voire nettement
plus pour les queues en première quinzaine de décembre. Vous verrez, vos
collègues de Chicago et de New-York vont même ouvrir des « futures »
sur les crypto-monnaies, ce qui fluidifiera les marchés. »
Impossible ! Le Bitcoin vaut actuellement à peine 700 dollars…
« Ce sont des micromarchés.
Très instables et soumis à des aléas vertigineux. »
Justement : « Vous m’avez
toujours dit que ce qui est rare reste cher. Les crypto-monnaies, le Bitcoin
notamment, est limité quant à ses « créations », pas comme vos Bonds
ou vos devises préférées déversés sur les marchés avec générosité et sans
contrepartie autre que des déficits générés par les États et les dettes des
banques centrales. »
Mais ça peut suivre le même sort que toutes les bulles, depuis les oignons
de Tulipe…
« Dés lors qu’il n’y a plus
d’acheteur parce que la réglementation changera ou que les piratages seront
trop nombreux, vous aurez perdu toute votre fortune. C’est vraiment stupide… »
Il suffira de sortir avant : « Et comme je viens de vous le dire, on reste un an sur ces supports, certainement
pas plus et après je passe sur autre chose. »
Les actions de NVIDIA, la « boutique » qui fait des puces
graphiques indispensables aux « mineurs » des crypto-monnaies…
De quoi multiplier encore par 4 les avoirs libellés en dollars.
« Faites ce que je vous dis de
faire, s’il vous plait. Avec plus de 19 milliards dans un an, par rapport à vos
3 % de rendement l’an « sans me fatiguer » comme vous le dites, vous
êtes battu à plat de couture. Mais comme à ce moment-là, je vous en reprendrai
environ un tiers pour faire du 10 % minimum ce qui fait que j’en ferai encore plus
que vous pour tutoyer les 2 milliards/an début 2018. Vous suivez ? »
Complètement dingue…
« Parce que là, c’est
exactement ce qu’il me faut pour les deux autres projets industriels à mettre
en route. »
Comment peut-il être si sûr de lui ?
« Je sais. C’est tout… »
Toujours cette même réponse absurde.
« Et pour ma femme, vous avez
prévu quelque chose ? »
Anjo explique qu’elle reçoit actuellement une pension alimentaire pour ses
deux gosses et pour elle-même. Et qu’il a dû lui acheter une voiture pour ses
déplacements ainsi qu’une location à l’année au parking de la rue Monge.
« Très bien. Mais ce n’est pas
suffisant. Je m’en occupe. »
Que Paul se méfie : « Je
crois savoir qu’elle a une famille… ». Pour sûr !
« Des gens qui vont tenter de
vous soutirer des fortunes. Tout comme vos amis et votre propre famille. Et tant
que vous ne faites pas les 2 milliards prévus, ils vont vous entraver en vous
ruinant. »
C’est inclus dans les quelques millions qu’il vient de lui demander de
mettre à sa disposition. Pour les « entraves », ce n’est pas
compliqué : « Je vais décider
de prêter sur projet, contre garanties et sûretés et à hauteur de seulement 50
%. Le reste, ce sera soit des fonds propres, soit des emprunts bancaires au
choix si les projets présentés tiennent la route. Une façon de ne pas vivre à
mes crochets. »
Un « deal » qui vaut pour lui aussi, dans le cadre de sa future
reconversion ?
« Bien sûr Anjo. Je vous dois
bien ça et je viens de vous donner le temps d’y songer et même les moyens de
vous en passer. »
Que demander de mieux ? Parce qu’en plus, Paul a l’air sérieux en
affirmant tout ça, sans même l’esquisse de l’ombre d’un doute…
Et Anjo aura fait le tour « des affaires » le reste de la
journée avant de repartir par l’avion du retour, pas très certain toutefois des
choix de son client ni de pouvoir rester gérant de la fondation luxembourgeoise
« Charlotte & Cie » très longtemps.
Pour l’heure, en cette fin novembre 2016, c’est finalement Paul qui
« monte » à Paris. En jet privé, pour une fois et pour lui éviter de
devoir faire les honneurs des cockpits des avions commerciaux – puisqu’il reste
une légende vivante chez les équipages militaires et civils de l’air depuis des
années – même quand il voyage incognito sous l’une des deux
« vraies-fausses » identités dont il dispose.
D’abord un tour chez Florence, enfin… chez lui sur les bords de Seine mais
elle a investi les lieux avec leurs gamins.
Ils ont drôlement poussé et si Annabelle est absolument adorable, « craquante »
à souhait, quand elle sourit, « fondante » quand elle donne dans la
mimique comique, elle est ravie de retrouver « son papounet-à-elle »,
Louis n’en dit encore rien, un peu effrayé par cet inconnu, le plus grand qu’il
n’ait jamais encore croisé… Il en écarquille des yeux exorbités, la bouche
ouverte sur des quenottes qui émergent de ses gencives.
Florence est également heureuse de retrouver sa famille « recomposée »
en son foyer « à elle » et de constater, ravie, que la libido de Paul
à son égard est toujours intacte, même si « ce n’est pas ce qu’elle voulait dire », car elle a tout de
même de l’amertume dans le regard d’avoir trahi « l’homme de sa
vie », celui qui est allé jusqu’au fin fond d’un bled saharien pour la
délivrer tout seul de ses ravisseurs qui la tuaient à petit feu [1].
Une drôle d’aventure…
Elle s’en veut, mais Paul ne veut pas en discuter, absolument pas
rancunier sur ce point.
Il s’inquiète plutôt de ses moyens de vie.
Anjo y pourvoit correctement. Elle a même pu acheter une « Mini-Cooper-six-portes »
comptant et sans discussion.
« J’ai cru comprendre que tu
étais devenu millionnaire… »
Ça fait un moment qu’il l’est déjà. « Mais toi ? Tu as des contrats, du boulot ? »
Pas vraiment encore : il faut qu’elle s’y mette. Mais avec deux
gamins à s’occuper, dont l’un à aller chercher à l’école et l’autre à la
crèche, ça ne laisse pas beaucoup de temps.
« Je ne vais pas beaucoup être
présent dans les mois à venir. Il faut que tu embauches une baby-sitter qui
t’aidera. Je paye. Et puis… j’aimerais bien que tu t’occupes de racheter des
petits appartements en ville. L’idée, c’est que tu les retapes et que tu en
fasses des locations-meublées touristiques… Si ça te tente, bien sûr. Il y a un
coup à faire avec le développement touristique de la ville. Et puis les gens
vont en partir, la vie devenant de plus en plus chère et difficile, à cause de
l’actuelle mairesse à Paris. »
Avant qu’elle ne soit renvoyée dans ses foyers…
Si on veut : il y a plus cher et plus difficile encore ailleurs en
province. Mais pourquoi pas ? Avec quel argent ?
« L’argent, ce n’est pas un
problème : tu montes des dossiers de financements bancaires. Jean-Charles
pourra t’aider tant qu’il est encore là. Puis tu t’appuieras sur son successeur.
J’apporte les 50 % nécessaires à chaque opération sous forme de prêt
éventuellement renouvelable. À rembourser dans plusieurs années en quelque
sorte. »
Elle va y penser. « Tu lui
diras si j’oublie de le faire, que tes achats devront se faire en LMP – le
statut des loueurs en meublé professionnels. »
Il y aura des taxes en plus, mais avec une coupe du monde et les Jeux
Olympiques qui vont arriver, ça va booster la ville.
Et l’expo-universelle de l’année suivante… « Elle ne se fera pas ! »
Ah ? Bien ! Et Anjo, dans tout ça ?
« Il reste jusqu’à l’été. Après
il fera autre chose et je devrais le remplacer. Je vais bientôt m’en occuper.
Ceci dit, ne sois pas contrariée, mais on met en place une « sphère de
sécurité » autour de toi et des gamins. Ce sera discret, pas trop invasif,
mais je préfère d’autant que la CISA en a les moyens. »
Si tel est son souhait…
(1) Cf. « Mains
invisibles II », chapitre Libération de Florence – 1/5 et suivants (http://flibustier20260.blogspot.fr/2015/08/chapitre-vii-liberation-de-florence-15.html)
publiés aux éditions I3
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