Chapitre vingt-huitième
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est
qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout
droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute
ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant
existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y
compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement
fortuite !
Une heure plus tard, elles sont arrivées à destination. Effectivement,
stationne sur le tarmac un superbe Learjet 85 immatriculé en Inde. Et elles
rejouent leur rôle de « vamps » pour extorquer quelques renseignements
sur son propriétaire aux différentes « autorités » postées là, et la
raison de sa présence ici, si loin de son aéroport d’attache.
Il leur faut une bonne heure à trois pour « lier d’amitié » avec
le steward indou qu’elles laisseront, les yeux exorbités après lui avoir tiré
qu’il bosse pour la compagnie d’un certain Rahul Kodak (rien à voir avec la
marque de pellicules photographiques argentique homonyme) dont le neveu, Kushal
Pal, fait un tour en Europe et est descendu au Klotild Palace pour une escale
de plusieurs jours alors que l’équipage se repose au Sofitel local…
« Mais pas très longtemps. Il
est prévu que nous partions demain pour récupérer le patron à Londres et le
rapatrier à New-Dehli. »
Avec le neveu des Kodak ?
Probablement.
Que des « KK », dans cette affaire tordue.
Sans rendre compte à Gustave, elles décident de laisser leur steward dans
la position où il s’est figé, le neurone tétanisé, et de filer au Palace
Klotild.
« Il sera toujours temps de
l’informer sur la route. Et puis on a une chance de croiser
Charlie-l’actionnaire… »
Mais non : « À la tour,
ils m’ont montré le cahier des mouvements. Si Charlie est passé et n’y est
plus, il sera parti hier en fin d’après-midi. »
Il n’est peut-être pas reparti.
« Un français ? Il y en a
eu un hier, et à bord d’un hydravion. »
Et pourquoi un français ? Et pourquoi un hydravion au milieu du
continent ? Elles ne savent pas, finalement… « Pourquoi pas, ça collerait assez bien avec son absence d’accent
britannique. »
Le Klotild Palace et son Buddha Bar ouvert que sur réservation, est situé
rue Vaci au 34.
Une bâtisse imposante pour seulement 112 chambres, construite au XIXème
siècle, au cœur de la vie culturelle, historique et financière de la capitale
hongroise, qui aura été rénovée par le cabinet parisien « REV Architecture ».
Les intérieurs y sont modernes avec de nombreuses influences asiatiques mises
en lumière par un éclairage subtil qui exhalent une atmosphère mystique et
hypnotique en présence d’un immense Bouddha tout rouge. Véritable oasis urbain,
l’établissement accueillerait des chambres envoûtantes et exotiques, équipées
d’un accès Wifi gratuit et d’installations multimédias interactives. Les salles
de bain disposent de douches à effet de pluie et de produits « White
Company Noir », en dit la plaquette de présentation, pour la pub…
Le « Buddhattitude » propre au sous-continent d’où viennent les Khromaktuthang,
le spa du Buddha Bar-Hotel, s’inspire des cinq éléments pour offrir une détente
optimale. L’hôtel comprend également un centre d’affaires incluant des salles
multifonctions avec équipement audiovisuel. Le restaurant de l’hôtel propose un
éventail de saveurs exotiques et le bar, véritable star de l’hôtel, est
l’endroit idéal pour se délasser après une journée de visites et de découvertes,
paraît-il.
Mais les filles n’ont pas le temps ni d’en profiter ni de vérifier :
une fois de plus, elles usent de leurs charmes et sourires pour obtenir un
renseignement.
Oui, le concierge a vu l’une ou l’autre des deux dames, mais pas la
demoiselle.
On peut la voir ?
« Je me renseigne. »
Et il porte le combiné téléphonique à son oreille, d’un air nonchalant.
« Elle descend. Le temps de
s’apprêter, je suppose… »
Cinq minutes ? Non une bonne demi-heure plus tard, alors que le trio
boue d’impatience retenue, déboule le sosie de la diva « Ladiva ».
À s’y méprendre. Même coupe de cheveux noirs, même allure, probablement
mêmes taille et corpulence grassouillette. Même grâce, élégante. Époustouflante
dans sa robe de soirée noire au décolleté sobre.
« Maryse Silune. Que puis-je
pour vous, mesdames ? »
Euh… « Nous sommes à la
recherche de Kurjey Khromaktuthang. »
Elle est au courant.
« Ne vous en faites pas, elle
est en sécurité. »
Ah oui ? Et où donc ?
« En ville. Je la chaperonne. »
La tante veille sur sa nièce enlevée ? Elle déconne là… Sa mère et
son père sont aux cent coups, le cerveau tout retourné, mobilisant ciel et
terre pour la retrouver !
« J’imagine. Pour son père,
probablement. Pour ma sœur, probablement pas. Elle est repartie pour exécuter
ses engagements sans plus s’inquiéter, si je ne m’abuse ? »
Justification un peu courte.
« Je vous explique. Ma nièce a
rencontré un jeune-homme, tout bien ce qu’il faut pour être issu d’une famille
respectable de New-Delhi. Ils ont profité d’une opportunité pour se retrouver ici
où nous étions descendus, puis au Sofitel pendant deux jours et deux nuits,
sous la surveillance de l’équipage d’aviation du père du jeune-homme. Et je
suis là pour veiller à ce qu’ils ne soient pas dérangés pendant encore quelques
heures. Quant à sa mère, elle est au courant de tout depuis peu, naturellement. »
Elle aurait pu prévenir au lieu de jouer la comédie des mères affolées.
« Oh vous savez, les artistes…
Elle trouve ça follement romantique ! »
En voilà un retournement de situation : d’un enlèvement, on passe par
une romance éculée.
« Comme nous avait prévenues
Charlie ! »
Qui est-ce, ce « Charlie » ?
« « L’actionnaire »
de notre compagnie. Il se pourrait qu’il vous connaisse ou bien votre sœur…
jumelle, Madame. »
Oh, des hommes… elle en a connu quantités. Depuis toujours. « Mais ma ressemblance physique avec ma star
de sœur m’oblige à rester discrète. Elle est mariée et a un statut de diva qui
excite les paparazzis… Toutes choses que je n’ai pas à protéger pour ma part. »
Les filles ne comprennent plus rien.
« Je dîne avec les tourtereaux.
Si vous voulez rassurer votre… « actionnaire », suivez-moi ! »
Et les voilà parties, toutes les quatre dans une somptueuse limousine de
location, vers le fameux Sofitel.
Anaïs en profite pour textoter à Gustave un résumé des derniers
développements.
Il répond dans la minute lui demandant de l’appeler dès qu’elle pourra
s’isoler.
Le Sofitel de Budapest, situé au 2 zechenyi Istvan tèr, c’est tout un
poème : un gros cube à l’immense atrium situé au bord du Danube, pas très
près du Parlement hongrois mais à proximité des principaux monuments, en face du
palais de Sissi et à côté du « pont aux chaînes », cet hôtel de luxe
du centre de Budapest surprend dès qu’on y arrive. En entrant dans le hall et
en levant les yeux, on y découvre une étonnante réplique d’avion antique, à
hélice bipale et train d’atterrissage squelettique, tout blanc hors le capot du
moteur, suspendue au plafond.
Haut de huit étages, cet atrium est un véritable espace de vie où tout le monde se croise. Son
parquet, ses boiseries, ses meubles colorés et une « fontaine » de cristal
Swarovski rappellent le style hongrois flamboyant du XIXème siècle.
Un décor symétrique, traversé par un impressionnant escalier, au somment duquel
trône un portique parallélépipède ajouré, est signé par l’architecte d’intérieur
français Jean-Philippe Nuel.
La cuisine du restaurant « Paris Budapest » devient spectacle où
il paraît que des défilés de mode et des cocktails sont régulièrement organisés
dans une chorégraphie méticuleuse, rythmée par la douce mélodie du piano du « Bibliotek
Lounge » qui donnerait l’ambiance.
Tout ça dégouline de lumières et de luxe.
Anaïs se tient à l’écart pour appeler Gustave, alors que la nuit tombe.
« Le logiciel « BBR »
a craché ses données. Il y a bien deux sœurs monozygotes dans la famille
Silune. Mais il y a un mystère… Je vous rappelle dans la minute : Charlie
cherche à me joindre ! »
« Bonsoir Gustave. Vous
confirmez le coup des jumelles pour l’affaire « KK » en cours ? »
Bien sûr, sauf erreur du logiciel.
« Je crois que je sais pourquoi
j’ai cru reconnaître la diva à la bibliothèque de la fac. L’une des deux était
une cliente du « Newvox ». Si les filles sont sur place, qu’elles
confirment laquelle des deux avait, disons… une vie « dissolue ». »
Le « Newvox », cette histoire ahurissante des années
« ados » de Paul que Gustave redoutait, il y a encore peu, de voir
remonter à la surface [1]…
Gustave en avait gardé un souvenir incertain quand son patron, qui ne l’était
pas encore à l’époque, lui en avait fait référence pour la première fois et
sous le nez des deux femmes du moment : Florence, enceinte jusqu’aux dents
des œuvres de Paul et son épouse à lui [2].
L’une ne savait plus où se mettre alors que la seconde s’était bien marrée et
lui avait fait promettre de lire en avant-première « ses mémoires »
le jour où il les coucherait sur du papier « Les quatre-cents coups d’un
Capitaine de frégate »…
Tout un programme !
Il avait décidé de ne pas enquêter sur le sujet, alors qu’il restait
encore quelques temps patron de la DRM avant de devenir celui de la cellule
« Libecciu », dissoute par la suite, avant l’attentat du 14 juillet
qu’ils avaient tous les deux réussi à faire échouer.
Même que le président Landau n’a jamais su qu’il avait échappé au sort de
la merguez-cramée sur son barbecue géant de la place de la Concorde. Pour ce
qu’il en avait eu reconnaissance, de toute façon…
« Je transmets, mais… Bon, peu
importe ! »
« Anaïs ? Re. Bon, vous
confirmez la présence de la fille et qu’elle est libre de ses mouvements. Si
c’est dans ses projets de rentrer, peu importe avec qui, vous vous assurez
qu’elle sorte du pays, de sa destination déclarée, et vous rentrez… Assez de
conneries comme ça avec cette enquête ! »
Bien : ce n’est pas trop tôt en pense Anaïs à qui la présence de sa
fille manque.
« Ah et puis, un détail…
« Charlie » souhaite que vous évoquiez auprès de la tante, le
« Newvox » situé à Paris, il y a quelques décennies de ça. Mais je
vous conseille de ne pas insister si ça ne lui dit rien… »
Le « Newvox », c’est quoi donc, ça ?
« À vos ordres, amiral ! »
Là, ça, il aime bien comme réponse, même s’il n’est plus vice-amiral que
de « seconde section », retiré des effectifs, mais toujours
mobilisable en cas de besoin, tant qu’il est encore en vie.
Effectivement, Kurjey fait son apparition au bras de son
chevalier-servant, un jeune « beau-gosse » au teint basané propre aux
indiens, les traits fins.
La jeune-fille est resplendissante et très à l’aise, telle qu’elle reçoit,
sans se faire prier, les trois commères venues de Paris rien que pour elle.
La conversation ne dure pas très longtemps dans les salons du bar où le
groupe « ADN » a passé une commande de trois cocktails aux couleurs
diverses, avant de laisser leurs hôtes prendre leur collation vespérale au
restaurant attenant.
Kurjey annonce qu’elle va se fiancer avec son
« prince-charmant ». Qu’elle accompagne sa tante à Paris pour y faire
quelques achats par le vol du lendemain après-midi, puis rejoindre « la
Diva » à Berlin et rentrera ensuite à Thimphou, la capitale du Bhoutan, sa
ville de résidence, pour y rencontrer son père et le rassurer.
Pas sûr que ce soit aussi facile qu’elle ne l’imagine.
Tout rentre dans l’ordre : juste une belle et romantique histoire de
cul !
« Madame Silune, avant qu’on ne
se sépare, on m’a demandé de vous demander si le « Newvox » vous
évoquait quelle que chose ? »
Le « Newvox » ?
Elle se trouble légèrement : « C’est vieux ça ! Et je crois que ça n’existe plus. Les enfants,
allez donc vous attabler, je vous rejoins dans une minute. »
Les deux jeunes adultes s’exécutent en saluant à la mode indienne les
trois filles « ADN », les mains jointes sur le thorax.
Une fois éloignés, Maryse Silune se penche en avant et chuchote
presque : « Que cela reste
entre nous, s’il vous plaît. C’était mes années-folles d’ado… »
Elle jette un œil à droite et à gauche pour s’assurer que personne d’autre
ne l’écoute, se racle la gorge et reprend : « Ma sœur passait son temps au conservatoire et moi à draguer le mignon
dans le dos de nos parents. Je pratiquais naturellement la Sorbonne, à la
recherche d’un parti présentable, à plus ou moins longue échéance, comme
beaucoup de filles de mon âge. Mais le « Newvox », c’est autre
chose : d’excellents moments de dévergondage. Dommage que ça n’existe
plus ! »
Mais de quoi s’agissait-il, demande le trio alléché ?
« D’une boîte de nuit pour gay,
pour trans, trav, bi et lesbiennes qui n’ouvrait que le vendredi et le samedi
soir. Tenue par un certain Michel. Ne pas confondre avec « Michou ».
Très branchée pour l’époque, où circulaient toutes sortes de dopes. L’avantage,
c’est que quand on était trop défoncé pour rentrer, on pouvait coucher
gratuitement dans les chambres de l’hôtel qui était au-dessus. À condition de
virer de là avant midi le dimanche suivant. »
Une boîte « LGBT » avant l’heure ?
(1) Cf. « Le Newvox », à paraître aux éditions I3
(2) Cf. « Mains
invisibles », chapitre II.3 et suivant (http://flibustier20260.blogspot.fr/2014/07/chapitre-ii3.html)
publié aux éditions I3
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