Les malheurs de l’Inde
Juste en aparté : 1.000 posts mis en ligne en ce 936ème
jour d’existence de ce blog ! Sur le précédant, au même moment, vous pouviez compter
quelques 49.553 visiteurs/jour, soit 53,36 v/j en moyenne-lissée, pour quelques
159.432 pages/lues.
Sur ce blog-ci, le compteur est situé en direct et un peu plus bas sur cette page : Ce n’est pas la gloire internationale
(quoique près de la moitié du trafic vienne « de l’étranger »), et
j’estime le trafic à près de 235.000 pages/lues.
Pour une « moyenne-lissée » de 94,4
visiteurs/jour, en croissance perpétuelle : Pour rappel, le 1er
juin 2014, elle était de … 1,5 v/j…
Merci infiniment pour votre fidélité étonnante pour le
« plumitif » que je reste !
Ceci dit, alors que nous attendions tous la
« surprise américaine », le 8 novembre dernier, Narendra Modi, le
Premier Ministre indien, a déclenché un séisme dans son pays en décrétant, du
jour au lendemain que 86 % des billets en circulation dans son pays étaient de
la contrebande : Ils n’avaient plus cours légal !
L’une des plus vastes opérations de confiscation de
l’Histoire…
Et une expérience « in vivo » des plus intéressantes, car non seulement c’est ce
qui guette les vénézuéliens avec leur désastreux Chavez – ils en sont à payer
leurs achats du quotidien avec des sacs de billets – mais tout autant les
européens : Les billets de 500 euros ne sont plus imprimés alors même
qu’on parle avec de plus en plus d’insistance d’un retrait unilatéral des
billets de 100 dollars américains !
Les plus grosses coupures…
En Inde, les billets de 1.000 et 500 roupies ne sont
pas les plus grosses coupures, mais seulement… 86 % des billets en circulation !
Très drôle pour la septième économie mondiale (son PIB
annuel dépasse les 2.000 milliards de dollars), affichant une croissance
annuelle de 7,3 %, le deuxième pays le plus peuplé du monde (avec environ 1,3
milliard d’habitants, juste derrière la Chine) et le troisième pays le plus
vaste en termes de territoire.
Notez qu’en dépit de sa taille et de sa richesse,
l’Inde est indéniablement pauvre, en termes de revenu par habitant : Il
est d’environ 1.600 dollars/an, ce qui classe l’Inde au 140ème rang
parmi les 189 membres du FMI, juste derrière le petit pays des Iles Salomon.
Et encore, cette « moyenne » ne reflète pas
l’extrême inégalité des revenus en Inde : Le pays possède une importante
classe moyenne de 300 millions de personnes gagnant environ 7.000 dollars/an,
ce qui est considéré comme un revenu intermédiaire selon les critères
internationaux.
Le reste de la population, soit un milliard de
personnes, gagne donc en moyenne 600 dollars par an seulement…
Dans ces conditions, il n’est absolument pas
surprenant que l’économie s’appuie sur les espèces.
Même si les téléphones portables avec systèmes de
paiement numériques se développent et pourraient bien être la tendance
dominante à l’avenir, l’Inde demeure une économie fonctionnant majoritairement
avec des espèces.
Conséquence immédiate, les citoyens indiens se sont
rués sur leurs agences bancaires et ont fait d’interminables queues afin
d’échanger leurs billets devenus illégaux contre un crédit enregistré sur des
comptes numériques, ou des coupures de 2.000 roupies (environ 28 US$).
Les files d’attente ont été monstrueuses et l’économie
s’est figée alors que des millions de personnes faisaient la queue au lieu
d’aller bosser.
D’autant que le gouvernement a opportunément redoublé « d’incompétence »
en n’imprimant pas suffisamment de nouveaux billets : Les banques ont
fermé car elles étaient à court de ces nouveaux billets. Pire encore, leur format
était différent et incompatible avec les distributeurs automatiques.
Par conséquent, tous les DAB du pays ont dû être
désactivés et reprogrammés au nouveau format.
Les paysans et les pêcheurs ne pouvaient plus
s’approvisionner en carburant et fournitures afin de pouvoir acheminer leurs
récoltes ou leurs prises sur les marchés… Des pénuries de produits alimentaires
sont apparues et des émeutes ont éclaté par endroits.
Un marché noir s’est immédiatement développé via
lequel on pouvait encore échanger des billets de 1.000 roupies contre de plus
petites coupures ayant encore cours légal. Ceux qui proposaient ces échanges
ont bénéficié d’une protection politique ou bien ont versé des pots-de-vin afin
d’éviter le contrôle fiscal sur les grosses coupures qu’ils recevaient.
En vous précisant que dans ces conditions, les «
espèces » s’échangent avec une décote importante sur leur valeur nominale.
L’or a officiellement flambé, puisque les importations
étaient bloquées et/ou taxées, atteignant plus du double de sa valeur sur le
marché international…
Même le marché de l’argent-métal a suivi la hausse des cours !
En l’espace d’une nuit, c’est 23 milliards de billets qui
ont été mis hors d’usage alors que le pays n’est qu'en capacité d’en produire 3
milliards par mois, guère plus.
« Pour être
efficace, un tel plan devait être maintenu dans le secret le plus total »
s’est défendu le gouverneur de la Banque centrale. Il ajoutait qu’« il était impossible de préparer les banques
en 24 heures ».
Reste que dans ce pays où 9 transactions sur 10 se
font en argent liquide les conséquences étaient prévisibles…
D’autant que 31 % d’adultes n’ont pas de comptes en
banque et qu’une petite minorité seulement détient une carte bancaire.
Dans un pays où l’argent noir s’insinue dans tous les
pores de l’économie pour représenter jusqu’à 25 % du PIB, ça a fait forcément
comme l’effet d'une bombe !
Aujourd’hui, la consommation est en berne, la
productivité aussi. Et l’emploi s'en ressent.
Quasiment tous les secteurs sont touchés – a fortiori ceux où le poids de
l’économie informelle est plus élevé – et risquent de subir des baisses à deux
chiffres de leur activité sur les deux prochains trimestres.
Les investisseurs étrangers en ont d’ailleurs profité
pour accélérer leurs retraits : En novembre, ils ont vendu, en net,
l’équivalent de 2,6 milliards de dollars d’actions locales, et 2,1 milliards de
dettes, contribuant au plus fort dérapage de la roupie en cinq ans.
L'impact réel de l’onde de choc paraît néanmoins
encore difficile à évaluer, ne serait-ce que parce qu’il dépend de la durée de
la crise de la liquidité.
Sur ce point, le gouvernement se veut rassurant et
promet un retour à la normale d’ici à la fin de l’année avec, des répercussions
sur un trimestre tout au plus.
Une prévision bien optimiste selon certains analystes
qui tablent sur plusieurs mois, cinq au moins, avant que l’essentiel des
billets ne soit réellement remplacé.
Une majorité d’entre eux estime que les niveaux
d’activités devraient être, en 2017 voire 2018, inférieurs à ce qu’ils auraient
dû être initialement.
Alors, pourquoi un tel autodafé monstrueux de moyens
de paiement ?
Té, vous n’êtes pas nés si kons qu’on veut bien vous
le faire croire, puisque paradoxalement, on vous en parle tous les jours :
La lutte contre la fraude, la lutte contre le terrorisme !
Comme pour mieux vous préparer à la décision à venir
de vous « démonétiser ».
Il ne s’agit pas de vous voler immédiatement et
directement, naturellement, mais de procéder par étape.
Le discours du premier-ministre indien est d’ailleurs
assez clair sur le sujet : « Aujourd’hui,
nous vivons à l’ère des banques et porte-monnaie mobiles. Via les téléphones
portables, il est possible de commander de la nourriture, d’acheter et de
vendre des meubles, de commander un taxi… et bien d’autres choses. Les
technologies nous ont apporté la rapidité et la commodité au quotidien.
Je suis
sûr que la plupart d’entre vous se sert de cartes de crédit et de porte-monnaie
électroniques régulièrement, mais j’ai pensé que je devais mettre à votre
disposition des moyens permettant de réaliser davantage de transactions sans
espèces.
Apprenez
comment fonctionne l’économie numérique ! (…)
Une
économie sans espèces offre de la sécurité et elle est saine. Vous avez un rôle
primordial à jouer en vue d’amener l’Inde vers une économie de plus en plus
numérique. »
Tiens donc…
La décision de Narendra Modi de rendre inutilisable
l’essentiel des billets de banque en circulation pour lutter contre la « black
money » a totalement désorganisé l’économie du pays comme prévisible, mais il n’en
a cure.
C’est qu’il doit montrer des résultats dans la lutte
contre la corruption, programme sur lequel il a été élu en 2014. Et sa
réélection en 2019 dépendra sans aucun doute des résultats obtenus.
Alors écoutez bien les « faiseurs-de-promesses »
qui se présentent à vos suffrages dans les mois qui viennent, quel que soit
leur « sensibilité-politique » dès qu’ils vous parleront de « lutte
contre les terroristes » ou de « lutte contre la fraude »…
En réalité, ils poursuivent tous, parfois sans le
savoir, un plan, un dessein bien plus vaste que vous ne le croyez de prime
abord.
Votre seconde étape sera ce que propose les banquiers
grecs : Pour dissuader l’utilisation d’argent liquide, elles vont instaurer
une taxe spéciale sur tous les retraits de cash !
Interdire le cash tout simplement provoquerait des
émeutes…
Il suffit donc de faire en sorte que cela devienne
source de tracasseries en imposant une pénalité sur son utilisation. « Bien sûr que tu peux avoir ton cash, manant.
Il faut juste que tu paies ta taxe. »
Ce n’est pas tant que les banques s’intéresseraient
aux taxes. En fait, cela ne les intéresse pas du tout, mais la solvabilité oui !
Or, dans une économie où « le cash reste sous forme électronique, un système bancaire peut le
manipuler sans « perte de capital. » Certes, techniquement, l’argent quitte une
banque pour aller vers une autre mais étant donné qu’elle le fait sous forme
électronique, les banques se débrouillent via leur banque centrale.
En
revanche, si quelqu’un retire son argent d’une banque grecque en cash, primo,
la banque doit fournir l’argent et deuzio, ce capital quitte le système
bancaire. »
Et, ce pouvoir occulte qui ne vote pas, ne veut pas
que le capital quitte le système bancaire, dans les semaines qui viennent, au
moins en Grèce.
Tout comme les banques américaines ne veulent pas que
le capital quitte le système bancaire américain.
Ou les banques européennes, en général.
Et comme il est beaucoup plus facile de faire passer
la pilule lorsque vous dites que vous luttez contre la corruption et le marché
noir (on estime pour la seule économie souterraine grecque, à environ 40
milliards d’euros et la perte en recettes fiscales à environ 15 milliards
d’euros), les Indiens et les grecs inaugurent les procédés
« innovants » : La Grèce sera le premier pays à aller vers une
taxe sur l’argent physique en Europe…
Donc, première étape : Démonétiser les billets
les plus utilisés, ce qui oblige les gens à se diriger vers une banque pour (au
pire) échanger leurs coupures contre les nouvelles et (scenario idéal) ouvrir
un compte en banque car il n’y a pas assez de nouveaux billets disponibles.
Deuxième étape : Taxer vos retraits d’espèce mais tout
autant votre or !
Bé oui : La flambée des cours en Inde est bien le
signe que ce métal sert aussi à des paiements et pas seulement à thésauriser…
Le mois dernier, 600 joailliers indiens auraient reçu
des courriers du fisc…
Troisième étape : Recourir à la force brutale (mais
légale) en envoyant les agents du fisc faire des recoupements, voire se saisir
de vos stocks d’or.
Et pour quelle raison finale ?
Mais attendez, il y en a deux qui sautent aux yeux,
là :
– Les banques centrales ont créé de la monnaie ex-nihilo par montagnes entières ces
dernières années. Et par malchance, il n’est rien redescendu dans
« l’économie-réelle » (hors quelques
« roupies-de-sansonnet », justement).
Tout juste a-t-on pu sauver le système bancaire
mondial du chaos d’une crise systémique généralisée en gonflant les bilans des
banques à l’hélium (si ce n’est à l’hydrogène nettement moins dense mais
hautement inflammable…).
Même le prix de l’immobilier n’a pas su s’envoler
proportionnellement alors qu’en revanche celui de l’or, valeur refuge par
excellence – je vous expliquerai le pourquoi historiquement dans un prochain
chapitre de « Laudato
si… » – que beaucoup nomment « la relique », s’est
accroché à ses records et peine à redescendre.
Tout cet argent est bien quelle que part et, deuxième
raison…
– Les États sont cruellement en déficit permanent et
vont peiner à se financer autrement qu’avec du vent.
Vous avez entendu parler au moins une fois dans votre
vie de la « crise-des-dettes », non.
Naturellement que votre argent les intéresse au
premier chef, votre or, vos valeurs, tous vos avoirs…
L’expérience d’une maxi-taxation comme a pu
l’expérimenter « Tagada-à-la-fraise-des-bois » sur votre dos touche à
ses limites.
Et puisqu’ils se sont enfin aperçu que ça ne sert à
rien, que les « taux hauts tuent l’impôt » (ce que l’Histoire nous a
appris depuis au moins trois siècles) quand ce n’est pas la mise à mal des
institutions (souvenez-vous de 1789), même « Pas-sain » parle
désormais de vous faire une ultime ristourne directe d’1 milliard d’euros sur votre
IR, là, tout de suite avant les élections et non pas en juillet prochain.
Et tant pis pour les déficits puisque personne
n’envisage de réduire drastiquement et réellement, je veux dire de façon
réaliste, les dépenses publiques d’autant que même le FMI et l’OCDE en sont désormais d’accord.
Déficits qui seront financés par… l’emprunt.
Et alors, si vous ne leur prêtez pas votre pognon, les
estimant à termes absolument insolvables, il faut bien qu’ils viennent vous le piquer
dans la poche, vous l’ôter de la bouche, tiens donc !
Eux ne peuvent pas être en faillite. Vous si, vous
êtes nés pour ça, mais si on vous a toujours fait croire l’inverse : On
peut vous mettre sur la paille par simple décret.
C’est pour cette raison qu’ils ont aussi besoin d’un
système bancaire fort et puissant, qui draine votre épargne, quitte à ce qu’en
phase finale, la quatrième étape, on vous pique votre épargne via le « Bail-out »
exigé par l’Europe et désormais introduit dans notre système législatif et financier,
avec cette touche sublime de « Pas-sain-II » qui veut qu’en cas de
panique sur les marchés, même vos assurances-vie (placées pour l’essentiel en
obligations d’État… faut le faire que de l’envisager froidement !) ne
seront plus mobilisables…
Rassurez-vous, ce n’est pas pour vous voler, mais
juste pour mieux vous protéger, bien sûr…
Vous pouvez dormir tranquille : Les indiens
expérimentent pour vous !
Notons au passage que depuis que j'ai rédigé ce post (la semaine dernière) :
RépondreSupprimer- L'Australie, la Corée (du sud) et le Danemark envisagent de démonétiser leurs "grosses coupures" :
- En revanche, Chavez, au Venezuela, l'a décidé pour les "petites-coupures", mais suspend les opérations depuis que des émeutes ont éclaté contre la mesure.
En bref, détruire sa propre monnaie, c'est un exercice difficile, puisque c'est s'attaquer à la "confiance fiduciaire" sans laquelle il n'y a plus d'économie-viable.
Et ils s'y entendent...
Bien à toutes et tous !
I-Cube
Et pour mémoire, hier soir, le compteur des visiteurs/jour affichait 88.568 passages...
RépondreSupprimerUn "rythme" 78 % supérieur à celui du blog précédent...
Qui d'ailleurs affichait dix ans d'existence, date pour date.
Encore une fois, mille mercis à toutes et à tous !
I-Cube